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IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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WEBSTER, N. Y. 14580
(716) 872-4503
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CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHIVI/ICIVIH
Collection de
microfiches.
Canadien Institute for Historical Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques
Technical and Bibliographie Notes/Notas tachniquas et bibliographiquas
The Inatitute haa attampted to obtain tha beat
original copy avaiCable for filming. Featurea of thia
copy which may ba bibliographically unique,
which may aiter any of the imagea in the
reproduction, or which may aignificantly change
the uaual method of filming. are checked below.
Ef
Coloured covera/
Couverture de couleur
I I Covera damaged/
n
Couverture endommagée
Covers reatorad and/or iaminated/
Couverture reataurée et/ou peliiculée
I I Cover titie miaaing/
D
D
Le titri» de couverture manque
Coloured maps/
Cartea géographiquea en couleur
Coloured ink (i.e. other than blue or black)/
Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire)
I I Coloured platea and/or illviatrationa/
D
D
D
D
Planches et/ou illustrations en couleur
Bound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La reliure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during reatoration may
appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve been omitted from filming/
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'une restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
Additional commenta:/
Commentaires supplémentaires:
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été poaaible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui aont peut-être uniquea du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
modification dans la méthode normale de filmage
aont indiquée ci-daaaous.
Th
to
I I Coloured pagea/
Pages de couleur
Pages damaged/
Pages endommagées
□ Pages restored and/or Iaminated/
Pages restaurées et/ou pelliculées >.
I — ~l/Pages discoloured. stained or foxed/
I ^ Pages décolorées, tachetées ou piquées
Th
po
of
fili
Or
be
th(
sic
oti
fir
sic
or
D
D
D
Pages detached/
Pages détachées
Showthrough/
Transparence
Quality of print varias/
Qualité inégaie de l'impression
Includes supplementary matériel/
Comprend du matériel supplémentaire
Th
sh
TU
wl
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dit
en
bfl
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rei
m(
□ Only édition available/
Seule édition diaponibie
D
Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure image possible.
This item is filmed et the réduction ratio checked belcw/
Ce document est filmé eu taux de réduction indiqué ci-deasous.
10X 14X 18X 22X
26X
30X
y
12X
16X
20X
24X
28X
32X
tails
I du
odifier
une
mage
The copy filmed hère has been reproduced thanks
to the generosity of :
National Library of Canada
The images appearing hère are the best quaii^^y
possibie considering the condition and legibility
of the original copy and in Iteeping with the
filming contract spécifications.
L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la
générosité de:
Bibliothèque nationale du Canada
Les images suivantes ont été reproduites avec le
plus grand soin, compte tenu de la condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
f limage.
Original copies in printed paper covers are filmed
beginning with the front cover and ending on
the last page with a printed or illustrated impres-
sion, or the back cover when appropriate. Ail
other original copies are filmed beginning on the
first page with a printed or illustrated impres-
sion, and ending on the last page with a printed
or illustrated impression.
The last recorded frame on each microfiche
shall contain the symbol — ► (meaning "CON-
TINUED "), or the symbol y (meaning "END "),
whichever applies.
Maps, plates, charts, etc.. may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom. as many f rames as
required. The following diagrams illustrate the
method:
Les exemplaires originaux dont la couverture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par le second
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaiies
originaux sont filmés en commençant par 'a
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole — *> signifie "A SUIVRE", le
symbole V signifie "FIN ".
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés à des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite,
et de haut en bas. en prenant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
irrata
to
pelure,
n à
n
32X
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2
3
1 2 3
4 5 6
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HISTOIRE
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Véritable et Natvrelle
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MŒVRS ET PRODVCmS
DU PAYS DE LA .
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* MONTRÉAL :
IMPHIMERIB E. BASTIEN A CIE., 15 Rue 8t. Jacques.
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1882.
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PAR PIER^ BOUCHER, I
Ré'éditée par G. Coffin, E.E D \
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HISTOIRE
Véritable et Natvrelle
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HŒVRS ET PRODVCTIONS
I
DU PAYS DE LA
NOVVELLE-FRANCE,
PAR PIERRE BOUCHER,
Ré-éditée par G. Cojfin, E.E D.
-:o:
MONTRÉAL :
IMPKIMKKIE E. BA8TIEN A CIE., 15 Rue St. Jacques.
1882.
i
risoa?
En offrant au i>ubic cette troisième édition
de C Histoire Yeritabfe et Naturelle des Mœvrs et
et Productions de la Nouvelle France^ nous
(.Toyons faire une œuvre méritoire, car ce
petit ouvrage, si éminement canadien, est de-
venu d'une grande rareté.
Publié en France pour la première fois en
1663, il eut un beau succès, car on y trouvait
une description exacte d'une terre lointaine
pour laquelle, sans trop bien pouvoir s'en ren-
dre compte, souvent les hommes bien pensants
du temps s'étaient pris d'un vif intérêt. Écrit
dans un style clair et modeste tout à la fois,
ce livre se trouvait être à la porté de toutes
les intelligence. Aussi, quoique bientôt dis-
paru de la circulation, laissa-t-il le meilleur
souvenir tant dans l'ancienne mère patrie que
dans la Nouvelle France.
I
1-
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■II-
Devenu presqu' introuvable, et recherché
de toute part, en 1849 les propriétaires du jour-
nal " Le Canadien " ne crurent pouvoir offrir
un plus jolie cadeau à leurs abonnés que ce-
lui d'une ré-impression.
A son tour, celle-ci devint en peu de temps
tout-à-fait épuisée et c'est à peine si aujour-
d'hui une cop ie peut en être trouvée dans les
profondeurs de la bibliothèque de l'antiquaire
Canadien.
Nous avons donc cru être agréable à l'ama-
teur en particulier, sinon au public en géné-
ral, en lui procurant une nouvelle édition de
cet excellent travail qui, en même temps, nous
rappellera, s'il est iiécessaire, le nom de Pierre
Boucher, cette belle figure de notre passé, ce
colon distingué dont les descendants, race vi-
goureuse s'il en fut, sont si nombreux parmi
nous.
Si nous obtenons notre but nous nous sen •
tirons heureux.
HISTOIRE
Véritable et Natvrelle
DES
MŒVRS ET PRODVCTIONS
DU PAYS DE LA
NOVVELLE-FRANCE
VVLGAIREMENT DITE LE CANADA.
m^^^^^0m^^m^^^^
^i^^^^^mm^^^^^
A Monsei^nevT Colbert^ conseifler du Roy en non
Conseil Royal, Intendant des Finances, et Sur-
intendant, des Bastiments de Sa Majesté, Barmi
de Sei^nela?/, etc.
MONSEIGNEVR, *
Ayant fait vne Histoire Naturelle succinte,
mais véritable, de la Nouuelle-France, qui est
arrosée du grand fleuue S. Laurens, et des
Lacs et riuières qui s'y vont rendre ; i'ay creu
Mœws et Prodvclions
que cet ouurage vous estoit deu, Dieu vous
ayant donné i^ouv ce pays vn amour particu-
lier, qui sans doute ira croissant, lors que vous
aurez esté plus amplement informé de la bon-
té et de la beauté de toutes nos contrées C'est
lo sentiment commun de tous ceux qui vous
connoissent, que Tvnique chose qui ayt pou-
uoir sur vostre esprit, est de vous faire bien
connoistre. qu'il y va de la gloire du Roy, et
des intérests de la France ; et qu'en suite Ton
peut tout se promettre de vos soins et de vos-
tre crédit. Cela estant, i'ay creu, Monseignevr,
que ce narré pourroit contribuer quelque
chose aux inclinations que vous auez déjà, de
faire fleurir nostre Nouuelle-France, et d'en
faire vn monde nouueau : lors quo vous verrez
dans la simplicité de mon stile, qui est sans
artifice, que vraymMit elle mérite d'estre peu-
plée, et qu'elle peut aisément receaoir les dé-
charges de l'Ancienne-France qui est si abon-
De la Nowelle-Franae.
3
dante en hommes, que les Royaumes et les
Colonies estrangeres s'en peuplent de iour en
iour. Ne vaut-il pas mieux que le Roy con-
serue ses sujets, les faisant passer dans la
Nouuelle-France, et que le nom François soit
également florissant en Tvn et en l'autre Mon-
de, dans r Amérique et dans TEurjpe. Faurois
sujet de craindre que cet Ou ' i*age ne fust pas
bieii . 3ceu de ceux qui rechen hmt les orne-
mens de nostre Langue, si ie ne me ressoùue-
nois qu'ayant eu l'honneur l'année dernière
de parier à sa Majesté, et de luy répoudre à
plusieurs questions qu'il me faisoit sur le Pays
de la Nouuelle-France ; tant s'en faut qu'il se
rebutast de mes réponses simples et naïues,
qu'au contraire il eut la bonté d'en témoigner
de l'ngréement ; l'ai oreu, Monseignevr, que
vous n'auri(»z pas moins de bonté pour moy,
et que roreuant ce petit présent, que ie vous
isaHs-ssE"
]■ I
McBvrs et Prodvctiom
offre dVn grand cœur, vous le protégerez, et
vous me permettrez de me dire,
De la Ville des Trois-
Riuières, en la Nouuelle-
France, le 8 Octob. 1663.
Monseignevr,
Vostre très-humble &
très-obeïssant seruiteur,
Pierre Bovcher.
\ 1
r !
AVANT-PROPOS.
Mon cher Lecteur, vous sçaurez que deux
raisons m'ont porté à faire ce petit Traité. La
première est, que i'ay esté engagé par quanti-
té d'honnestes gens, que i'ay eu l'honneur
d'entretenir pendant que i'ay esté en France,
et qui ont pris vn grand plaisir d'entendre
parler de ce pays icy, et de se voir desabusez
de quantité de mauuaises opinions qu'ils en
auoient conceu: en suite de quoy ils m'ont
prié de leur enuoyer vue petite Relation du
Pays de la Nouuelle-France, c'est à dire ce
que c'est du Pays, et ce qui s'y trouue, afin
V
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1
1
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'■'•1, !
1
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J
6
Mœvrs et Prodvdwns
de le faire sçauoir à leurs amis. Le nombre
de ceux qui m'en ont prié estant grand, je
n'auroJs pu que malaisément y satisfaire ;
c'est pourquoy ie me suis résolu de faire im-
primer la présente Des-îription, et les prier d'y
auoir recours.
La seconde raison, c'est qu'ayant veu l'af-
fection que Sa Majesté temoignoit auoir pour
sa Nouuelle-France et la resolution qu'il a
prise de détruire les Iroquois nos ennemis, et
de peupler ce Pays ioy, i'ay pensé que i'obli-
gerois beaucoup de monde, de ceux qui au-
roient quelques desseins d'y venir, ou d'y
faire venir quelques-vns de leurs alliez, de
leur pouuoir faire connoistre le Pays auant
que d'y venir.
Il y a long-t;3mps que i^auois cette pensée
et i'attendois toujours que quelqu'vn mist la
main à la plume pour cet effet : mais voyant
De la Nowelle- France.
que personne ne s'en est mis en deuoir, ie me
suis résolu de faire la présente description,
en attendant que quelqu'autre la fasse dans
vn plus beau stile : car pour moy, ie me suis
contenté de vous d'écrire simplement les
choses, sans y rechercher le beau langage ;
mais bien de vous dire la vérité auec le plus
de naïueté qu'il m'est possible, et le plus
brièvement que faire se peut ; obmettant tout
ce que ie crois estre superflu, et ce qui ne
seruiroit qu'à embellir le discours.
le ne vous diray quasi rien qui n'aye déjà
esté dit par cy-deuant, et que vous ne puis-
siez trouuer dans les Relations des RR. PP.
lesuites, ou dans les Voyages du Sieur de
Ohamplain : mais comme cela n'est pas ra-
massé dans vn seul liure, et qu'il faudrait lire
toutes les Relations pour trouuer ce que i'ay
mis icy ; ce vous sera vne facilité, sur tout
8
Mœurs et Prodvctions
pour ceux qui n'ont autre dessein que de
conuoistre ce que c'est du pays de la Nouuelle-
France, et qui ne se mettent pas en peine de
ce qui s'y est passé, ny de ce qui s'y passe.
C'est la raison pour laquelle ie n'en parleray
point, quoy qu'il y ayt eu quelque chose cette
année de bien extraordinaire, dont ie li'auois
rien veu de semblable, depuis environ trente
ans qu'il y a que ie suis dans ce Pays icy ;
qui est vn tremble-terre qui a duré plus de
sept mois, sur tout vers Tadoussac, où il s'est
fait sentir extraordinairement ; il s'est fait là
des remuemens admirables. Nous en auons
eu dans les commencemens des atteintes aux
Trois-Riuières, et mesme iusques au Mont
Royal. Mais ce qui est de plus aymable en
tous ces bouleuersemens et ces secousses épou-
uantables ; c'est que Dieu nous a tellement
i-onserué, que pas vne seule personne n'en a
De la Nowelle-France.
receu la moindre incommodité. le n'en diray
pas dauantage, les Pères lesaites en font la
description, auec tous les effets qu'il a produit,
dans leur Relation que vous pourrez voir auec
bien plus de plaisir, le tout y estant mieux
d'écrit que ie ne le pourois pas faire. Vous
verrez cy-apres les auantages que l'on peut
tirer de ces pays pour le temporel, ie veux
dire pour les biens de la terre.
Pour le Spirituel, l'on ne peut rien désirer
de plus. Nous auons vn Euesque dont le zèle
et la vertu sont au delà de ce que i'en puis
dire : il est tout à tous, il se fait pauure pour
enrichir les pauures, et ressemble aux Ëues-
ques de la primitiue Ëglise. Il est assisté de
plusieurs Prestres séculiers, gens de grande
vertu ; car il n'en peut souffrir d'autres. Les
Pères lesuites secondent ses desseins, trauail-
lant dans leur zèle ordinaire infatigablement
pour le salut des François et des Saunages.
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10
Mcevrs et Prodvctions
\ \
En vn mot, les gens de bien penaent viure
icy bien contens ; mais non pas les meschans,
veu qu'ils y sont éclairez de trop prés : c'est
pourqnoy ie ne leur conseille pas d'y venir ;
car ils pourroient bien en estre chassez, et du
moins estre obligez de s'en retirer, comme
plusieurs ont déjà fait ; et ce sont ceux-là pro-
prement qui décrient fort le Pays, n'y ayans
pas rencontré ce qu'ils pensoient.
le ne doute pas que ces gens-là, qui ont
esté le rebut de la Nouuelle-France, quand ils
entendront lire cette mienne Description, ne
dise que J'aiouste à la venté : et peut-estre
encore quelques autres personnes diront le
mesme, non pas par malice, mais par igno-
rance : le vous asseure, mon cher Lecteur,
que i'ay veu la plus grande partie de tout ce
que ie dis, et le reste ie le sçay par des per-
sonnes tres*dignes de foy.
De la Novvelle-France.
11
le sçay bien que vous trouuerez d'autres
fautes, et quantité mesme contre Tordre de la
narration ; mais ie crois que vous me les par-
donnerez bien volontiers, quand vous consi-
dérerez que ce n'est pas mon mestier de com-
poser; que d'ailleurs je n'ay fait ce petit
abrégé de la Nouuelle-France, que pour obli-
ger diuerses personnes, en attendant que quel-
que meilleure plume le fasse plus exactement,
et dans vn plus beau stile ; c'est en partie
pour cela que i'ay obmis quantité de belles
choses dignes d'vn Lecteur curieux, et n'ay
cherché qu'à estre le plus bref qu'il m'a esté
possible, & cependant donner à connoistre co
qui est absolument nécessaire.
Extrait du C^itn ^ogue d'Ouvrage» aur V Histoire de V Amérique, de
M. Faribault.
78. Bo(TOHBR(PlKRRK), gouvemcur deg Trois-IUvtëreê en On-
nacto.— Histoire véritable et naturelle des mœurset productions
de la XouveP.<}-France, vulgairement dite le Canada : Pctris,
ohes Florenètii Lambert, rue St. Jacques, A l'Image St. Paul,
petit tn 19
"* li'auteur de ce petit ouvrage n'est pas le Père Pierre Bou-
«hor, .Tésntte, comme l'on cru le Père Le Long et M. l'Abbé
Lengiet, mais le Sieur Boucher qui a été Gouverneur des
Trols-Rlvières, et un d^s première nabitants de la Nouvelle-
France : il est mort Agé de près de cent ans. Il avait été dé-
Sutô h la cour pour représenter les besoins de la colonie, et ce
tt lors de ce voyage en France qu'il flt imprimer cette rela-
tion, qui ne comprend qu'une notice assez superficielle, mais
fidèle, du Canada, dit le père Charlevoix.— (Jv. de Fcmtette.)
■HMMMm
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HISTOIRE NATVRELLE
DE
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CANADAS.
DB LA VOWBUbB-FBAVOB BV OBVBBAlb.
ORAFZTBB Z.
Parlant de la Nouuelle-France en gênerai,
ie peux dire que c'est un bon pays, et qui
contient en soy vne bonne partie de ce que
Ton peut désirer. La terre y est très-bonne,
y produit à merueille, et n'est point ingratte ;
nous en auons Texperience. Le pays est cou-
uert de très-belle et épaisses forests, lesquelles
De lu Nowelle- France.
18
sont paupléeg de quantité d'Animaux, et de
diu3rrfes espaov^s, et ce qui est encor plus con-
sidérable, c'est que les dites forests sont entre-
coupées de grandes et petites riuieres de très
bonnes eaux, avec quantité de sources et belles
fontaines ; de grands et petits lacs, bordez
aussi bien que les riuieres de belles et grandes
prairies, qui produisent d'aussi bonnes herbes
qu'en France. Dans ces lacs et riuieres. il s'y
trouue grand nombre de toutes sortes de Pois-
sons, très-bons et délicats ; il s'y rencontre
aussi grande quantité de G-ibier de riuiere :
le Pays est fort sain ; les Animaux qu'on
amené de Frances se nourissent fort bien ; on
y void plusieurs plantes rares qui ne se trou-
uent point en France ; il y a peu de plantes
qui soient nuisibles à l'homme, et,^ au con-
traire, il y a beaucoup de simples qui ont des
effets merueilleux. Il y a aussi peu d'Ani-
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14
Mœurs et Frodvclions
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'li !
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maux mal-faisans : on a decouuort des fontai-
nes d'eau salée, dont Ton peut tirer de très-
bon sel, et d'autres qui sont mineralles. Il y
on a vue au Pays des Iroquois, qui jette vne
eau grasse, qui est comme de l'huile, et dont
on se sert en beaucoup de choses au lieu
d'huile. Il y a aussi plusieurs mines, à ce que
l'on dit : ce dont ie suis asseuré, c'est qu'il y
en a de fer et de cuiure en plusieurs endroits ;
diuers3s personnes, dignes de foy, m'ont as-
seuré qu'il y en a vne de plomb fort abondan-
te, et qui n'est pas bien loin de nous ; mais
comme c'est sur le chemin par où passent nos
Ennemis, on n'a encore ozé y aller pour en
faire la decouuerte. Les climats y sont difFé-
rens selon les lieux ; mais ie puis tousiours
dire en gros, qu'aux lieux Us plus froids,
l'Hyuer y est plus guay qu'en France, le don-
neray vne plus parfaite connoissance, quand
De la Novvel le- France.
15
ie traitteray do chaque chose en particulier,
comme j'espère faire pour la satisfaction du
Ijccteur.
La Nouuelle-France est vn très-grand Pays,
qui est coupé en deux par un grand fleuue nom-
mé le Fleuue St Laurens : son emboucheure
commence à Gaspé, et a cinquante lieues de
large ; pour sa longueur nous n'en sçauons
autre chose, sinon qu'il prend son origine du
lac des Hurons, autrement appelé la Mer-
douce, que l'on tient auoir enuirons trois-cens
lieues de contour : de sorte qu'il se trouue
que, depuis Gaspé jusques au dit lac, il y a
prés de cinq cens lieues, par le circuit qu'elle
fait.
Dans ce dit lac, ou mer-douce, se décharge
vn autre lac appelé lac Supérieur, lequel ne
luy cède gueres, selon le rapport qui nous en
a esté fait par les Saunages de ces Pays-là, et
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16
Mœvrs et Prodvcliom
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mesme par des François qui en sont venus
depuis peu.
Tout ce grand Pays nous demeure inconnu,
à cause de la guerre des Iroquois, qui nous
empeschent d'en faire la découuerte, comme
il seroit souhaitable.
Il est vray que ce Pays de la Nouuelle-
France a quelque chose d'affreux à son abord ;
car, à voir Tlsle de Terre-neufve, où est Plai-
sance, les Isles Saint Pierre, le Cap de Baye,
risJe Saint Paul, et les autres Terres de l'entrée
du Grolfe, tout cela donne plus d'effroy et
d'enuie de s'en éloigner, que de désir d'y vou-
loir habituer ; c'est pourquoy ie ne m'esfbnne
pas si ce Pays a demeuré si long-temps sans
estre habitué. le trouue, après tout considéré,
qu'il ne luy manque que des habitans. C'est
la raison qui m'a obligé à faire ce petit Traité,
pour informer auec vérité tous ceux qui au-
De ht Nometle- France.
IT
H
roieift de rinclination pour le Pays de la
Nouuelle-France, et qui auroient quelque vo-
loiitez de s'y venir habituer, et pour oster la
mauuaise opinion que le vulgaire en a, et que
mal-à-propos on menace d'enuoyer les garne-
mens en Canadas comme par punition ; vous
asseurar ' que, tout au contraire, il y a peu de
personnes de ceux qui y sont venus, qui ayent
aucun dessein de retourner en France, si des
affaires de grande importance ne les y appel-
lent ; et ie vous diray sans déguisement, que,
pendant mon seJour à Paris et ailleurs, Tannée
précédente, j'ay fait rencontre de plusieurs
personnes assez à leur aise, qui avaient esté
par cy-devant Habitans de notre Canada, et
qui s'en estoient retirez à cause de la guerre,
lesquels m'ont asseuré qu'ils estoient dans
vne grande impatience d'y reuenir : tant il
est vray que la Nouuelle-France a quelque
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il
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18
Mœvrs et Prodvcttons
chose d'attrayant pour ceux qui en sçauent
gouster les douceurs. '^ ^^h' ' '^^ ^^ ' ''^
Pour vous rendre la suitte de ce traitté plus
intelligible, ie vous diray la distance qui se
trouue de lieux à autres qui sont habitez ou
qui sont remarquables pour leurs Havres, ou
pour autres choses.
Nous lairons donc toute l'entrée du (iolfe,
dont j'ay parlé cy-dessus, comme d'vn pays
qui ne vaut pas la peine qu'on en écriue rien ;
Nous dirons seulement que depuis l'Isle
Percée jusques à Graspé, il y a sept lieues ; de
Gi-aspé à Tadoussac, quatre-vingt-trois lieues ;
de Tadoussac iusques à Québec, trente lieues ;
de Québec iusques aux Trois-Riuieres, trente
lieues ; des Trois-Riuières au Mont-Royal,
-■ ; i
trente lieues ; des Trois-Riuieres iusques aux
Iroquois d'en-bas, nommez Anieronnons, qui
sont proches de la Nouuelle-Hollande, il y a
De kl Nowelle-France.
19
environ quatre-vin^t lioues ; du Mont-Royal
iusques aux Iroquois du milieu, nommez On-
nontagueronnons, il y a pareillement enuiron
qualre-ringt lieues ; du Mont-Royal iusques
au t^ays où demeuroient autrefois les Hurons,
il y a deux cens lieues ; tout ce grand fleuue
et ces grands lacs sont remplis de belles Isles
de toute sorte de grandeur,
La grande Riuiere vient du Couchant au ;
Leuant. L'eau en est salée iusques au Cap
Tourmente, qui est sept lieues au-dessous de
Quebecî ; l'on compte dé Québec sur le grand
Banc de Terre-neufve ou l'on va pescher les
Molues, trois cens lieues.
Aux enuirons de l'Islo Percée, il se trouue
grand nombre d'huitres en écailles, qui sont
parfaitement bonnes. Il y a aussi en ces quar-
tiers-là un costeau de charbon de terre; il y a
pareillement un peu plus deçà vne Platrière.
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20
Mœvrs et Productions
Il me reste à vous dire par quelle hauteur
sont nos habitations, pour vous rendre le tout
plus intelligible.
Vous sçaurez donc que Qaspé est par les
quarante-neuf degréz et dix minutes ; Tadous-
sac par les quarante-huit degrez et un tiers ;
Québec pair les quarante-six trois quarts ; les
Trois-Eiuieres par les quarante-six ; Mont-
Soyal par les quarante-cinq ; les Iroquois du
Milieu, où on auoit habituée cy-devant, nom-
mez Onnontagueronnons, par les quarante-
deux et un quart.
•O'^O.^
BRIEFUE DESCRIPTION DE QUEBEC
ET DE
QUELQUES AUTRES LIEUX,
•— :o:—
CHAPÏTE33 II.
— :o: —
Comme io si^ay obligé, dans la siiitte de
mon discours, de parler souuent de Québec,
qui est la principal habitation que nous ayons
en la Nouuelle-France, et le lieu qui a esté le
premier habité par les François, i'ai creu qu'il
estoit à ])ropos que j'en fisse dès le commen-
cement une grossière description, afin de don-
ner plus d'intelligimce au Lcci«Mir.
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22
Mœvrs et Productions
Québec est donc la principale habitation où
réside le G-ouuerneur G-eneral de tout le Pays,
il y a vne bonne forteresse et vne bonne gar-
nison : comme aussi vne belle Eglise qui sert
de Paroisse, et qui est comme la Cathedral de
tout le Pays. Le Service s'y fait avec le mesmes
cérémonies que dans les meilleures Paroisses
de France : c'est aussi dans ce lieu que réside
l'Euesque. Il y a vn Collège de Jésuites, vn
Monastère d'Urselines qui instruisent toutes
les petites filles, ce qui fait beaucoup de bien
au Pays ; aussi bien que le Collège des Jésui-
tes pour 4'instruction de toute la jeunesse
dans ce Pays naissant. Il y a pareillement vn
couuent d'Hospitalières qui est vn grand sou-
lagement pour les panures malades. C'est
dommage qu'elles n'ont dauantage de revenu.
Québec est situé sur le bord du grand fleuue
i.ilillili!
1 îHJil''
De la Nowelle- France.
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Saint Laurens, qui a enuirori vue ]>etite lieue
de large en cet endroit là, et qui coule entre
deux grandes terres élevées ; cette forteressejes
Eglises et les Monastères et les plus belles mai-
sons sont basties sur le haut; plusieurs maisons
et magasins sont bastis au pied du costeau,
sur le bord du Grand Fleuue, à Toccasion des
nauires qui viennent jusques-là, car c'est là
le terme de la navigation pour les nauires ;
Ton ne croit pas qu'ils puissent passer plus
auant sans risque.
Vue lieue au dessous de Québec la riuière
se sépare en deux, et forme vue belle Isle, que
l'on appelle l'Isle d'Orléans, qui a enuiron
dix-huit lieues de tour, dans laquelle il y a
plusieurs Habitans ; les terres y sont fort
bonnes, il y a aussi quantité de prairies le
long des bords.
Québec est basty sur le ro<% et en creusant
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24
Mrrvrs et Pmdvrff'ons.
les caues on tire de la pierre de quoy faire l(\s
logis ; tout(^sfois cette pierre n'est pas bien
bonne, et elle ne prend pas le mortier ; e'est
un espeee de marbre noir ; mais à une lieue
de là, soit au dessus ou au-dessous, on en
trouui^ qui est parrait<nnent boniu» sur le bord
du dit Heuue, qui se taille fort bien. On
trouue dans (Québec de la pierre* à ehaux, et
de la terre grasse pour faire» d(* la brique, jiaué,
thuile, {*t autres choses semblables ; quntri» ou
cinq cens pas au dessous de la forh^resse, la
terre est (^oupée par vue belle riuiere, nom-
mée la riuiere Saint Charles, qui a près d'une
lieue de large en sa décharge dans la grande
riuiere, quand la mare^ est haute ; car de
marée basse», elle est presque toute à f<(H', ce
(|Ui est vue belle commodité pour bien pren-
vtJvedu poisson, qui est vn bon rafraichisse-
ment aux Ilabitans de ce lieu-lA, surtout le
De la Novvel le- France.
printemps qu'il s'p pesche une infinité d'Alo-
zes. Au dessous de cette iiui«^re le pays deuient
plat, et est habité iusques à sept iieues en
bas ; les marées y sont parfaitement réglées,
elles descendent sept heures et montant cinq,
et < haque lois retardent de trois quarts
d'heure.
QTtebec est situé du costé du Nort, et est
habitué assez auant dans les terres, qui s'y
sont trouuées bonnes. 11 est habitué aussi
trois lieues en montant ; mais les terres n'y
sont \m^ si bonnes : comme pareillement du
costé du Sud, les terres, quoy que bonnes, y
semblent un peu plus ingrates.
La pesche est abondante dans tous ces quar-
tiers là de quantité de sortes de poissons,
Comme Esturgeons, Saumons, Barbues, Bar,
Alozes et plusieurs autres ; mais ie ne puis
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26
Mœvrs et Productions
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obmettre vne pesche d'Anguille qui se fait en
Automne, qui est si abondante, que cela est
incroyable à ceux qui ne l'ont pas veu. Il y
a tel homme qui en a pris plus de cinquante
milliers pour sa part. Elles sont grosses et
grandes et d'vn fort bon goust, meilleures
qu'en France de beaucoup ; on en sale pour
toute l'année, qui se conseruent parfaitepaent
bien et sont d'vne excellente nourriture pour
les gens de travail.
La chasse n'est pas si abondante à présent
proche de Québec comme elle a esté : le Gibier
s'est retiré à dix ou douze lieues de là. 11
reste seulement des Tourterelles ou des Biseaux
qui sont icy en abondance tous les Estez : il
s'en tue iusques dans les lardins de Québec
et des autres habitations ; elles durent seule-
ment quatre mois de l'année.
De la Nowel/e- France.
21
On y semé de toutes sortes de choses, tant
dans les champs que dans les iardins, tout y
uenant fort bien, comme ie diray cy-apres,
nonobstant la longueur de l'Hyuer.
Puisque ie suis tombé sur l'Hyuer, ie diray
vn petit mot en passant des saisons : on n'en
compte proprement que deux, car nous pas-
sons tout d'vn coup d'vn grand froid à vn
grand chaud, et d'vn grand chaud à vn grand
froid ; c'est pourquoy on ne parle que par
Hyuer et Esté. L'Hyuer commence inconti-
nent après la Toussaints ; c'est à dire les
gelées et quelque tems après les neiges vien-
nent, qui demeurent sur la terrb iusques
enuiron le quinzième d'Auril pour l'ordinaire :
car quelques fois elles sont fondues plus tost,
quelques fois aussi plus tard ; mais d'ordi-
dinaire c'est dans le seizième que la terre se
trouue libre et en estât de pousser les plantes
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28
Mœvrs et Prodvciions
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et d'est re labourée. Dés le eommencemeiit de
May, les chaleurs sont extrêmement grandes,
et on ne diroit pas que nous sortons d'vn grand
Hyuer : cela fait que tout auance, et que l'on
void en moins de rien la terre parée d'vn beau
verd ; et en effet, cela est admirable de voir que
le bled qu'on semé dans la fin d'Auril, et ius-
ques au vingtième de May, s'y recueille dans
le mois de Septembre et est parfaitement beau
et bon : et, ainsi, toutes les autres choso^s auan-
cent à proportion ; car nous voyons que les
choux pommez, qui se sèment icy au com-
mencement de May, se replantent dans le
vingt ou uingt-quatrième de luin, se recueil-
lent à la fin d'Octobre, et ont des pommes qui
pezent quinze à seize liures.
Pour l'Hyuer, quoy qu'il dure cinq mois et
que la terre y soit couuerte de neiges, et que
pendant ce tems le froid y soit vn peu aspre,
De la Nowelle-France.
29
il n'est pas toutes fois désagréable : c'est vn
froid qui est guay. et la pluspart du tems ce
sont des iours beaux et serains, et on ne s'en
trouue aucunement incommodé. On se pro-
mené par tout sur les neiges, par le moyen de
certaines chausseures, faites par les Saunages,
qu'on appelle Raquettes, qui sont fort com-
modes. En vérité, les neiges sont icy moins
importunes que ne sont les boues en France.
Les saisons ne sont pas égales par tout le
Pays : aux Trois-Riuieres, il y a prés d'vn
mois moins d'Hyuer ; au Mont-Royal, enuiron
six semaines ; et chez les Iroquois, il n'y a qu'en-
uiron vn mois d'Hyuer. Québec, quoy que
moins fauorable pour les saisons et pour l'as-
pect du lieu qui n'a pas tant d'agrément, a,
toute fois, un très-grand auantage à cause du
nombre d'Habitans, et qu'il est l'abord des
nauires qui viennent de France.
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Mœurs et Prodrctùrns
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Tadovissac* est vu lieu où les nauires abor-
doient autrefois, et où ils faisoient leurs dé-
charges auant qu'on ozast les faire monter
jusques à Québec : tout ce qu'il y a de consi-
dérable, c'est vne belle anse en cul de sac, où
les nauires sont bien à l'abry, l'anse y estant
profonde et de bonne ancrage.
Il y a vne belle riuiere, nommée le Saguené
qui passe tout à trauers : on y a faist bastir
vne chapelle, vn magazin et vne petite forte-
resse, à l'occasion de plusieurs Saunages qui y
passent l'Esté; mais il n'y a personne qui, y
habite, le pays n'estant pas propre tant pour
les terres que pour la saison, quoy que la pes-
che y soit fort bonne.
Mais disons vn mot du l'habitation des
Trois-Eiuieres : c'est vn fort beau pays à voir,
un pays plat, point montagneux, qui a de fort
beaux bois : plusieurs riuieres et lacs entrecou-
De la Novvel le- France.
81
pent ses terres qui sont toutes bordées de
belles prairies, ce qui fait qu'il y a quantité
d'Animaux, et surtout des Elans, Caribous et
Castors, et très-grand nombre de Gribier et de
Poisson.
Les terres que l'on a commencé à déserter
sont sablonneuses, mais qui ne laissent pas de
produire à merveille, estant vn sable gras au-
dessus. On s'est basti seulement du costé du
Nort.
Il y a comme deux habitations séparées par
vne grosse riuiere, on l'appelle les Trois-
Riuieres, à cause qu'estant entrecoupée par
des Isles, elle fait comme trois riuieres en ce
lieu là, qui vient de dedans les terres du (^osté
du Nort.
Mont-Royal, qui est la dernière de nos habi-
tations Françoises, est plus auancée dans les
terres. Elle est située dans vne belle grande
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82
Mœvrs et Prodvctions
Isle, nommée Tlsle du Mont-Royal ; les terres y
sont fort bonnes. C*est terre noire ou pierreu-
se, qui produit du grain en abondance : tout y
vient parfaitement bien ; mais surtout les me-
lons et les oignons : la pesche et la chasse y
est très-bonne: tout le Pays d'alentour est par-
faitement beau, et tant plus Ton monte en
haut du costé des Iroquois, plus le Pays y est
agréable : c'est vn Pays plat, vue forest où les
arbres sont gros et hauts extraordinairement ;
ce qui monstre la bonté de la terre, ils y sont
clairs et point embarassez de petit bois : ce
serait vn Pays tout propre à courir le Cerf,
dont il y a abondance, s'il y auait en ce Pays
des Habitants qui eussent des chenaux pour
cela, et que Tlroquois eust esté un peu humi-
lié, ou pour mieux dire dompté : la pluspart
de ces arbres sont des chesnes.
Mais ne nous amusons pas si long-tems sur
De la Novvelle-Frafwe.
88
sur
les chemins, et entrons tout dVn coup dans le
grand lac des Iroquois, après auoir passé au
trauers de plus de deux cens Isles qui sont à
l'entrée, dont les deux tiers ne sont que prai-
ries, et Tautre tiers, des rochers en pain de
sucre. Laissons à droit et à gauche, et dans les
Isles vn grand nombre de bestes qu'on y
rencontre, qui sont quelquefois plus de cinq
cens tout dVne bande.
Ce Pays des Iroquois dont ie veux parler et
qui est sur le bord de nostre grand fleuue,
puisqu'il passe au travers de leur grand Lac,
est un fort bon Pays et bien agréable : la terre
en est parfaitement bonne et la meilleure que
l'on puisse rencontrer ; ainsi qu'on peut juger
par les arbres. Il ne s'y rencontre quasi point
de sapinières, mais au contraire rien que beaux
bois, qui sont chesnes, chastagniez, noyers,
hestres, bois blanc, meuriers, et quantité d'au-
ri
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84
Mœvrs et Prodvctions
très beaux arbres dont nous n'auons point de
connoissance en ces quartiers, ce qui est cause
que je n'en sçais pas les noms ; Les arbres
fruitiers sont plus en abondances. Comme
aussi la chasse des bestes faunes et du Œbier.
Il y a plusieurs fontaines d'eau salée, dont Ton
fait de très-beau et bon sel. La quantité des
prairies est admirable : et les quatre Saisons y
sont comme en France, sinon que l'Hyuer n'y
est pas si long ; la pesche y est abondante,
surtout de Saumon, Esturgeon, Barbue et An-
guille, dont il y a des quantitez prodigieuses :
tous ces grands Pays-là sont de mesme.
le ne parleray point du Pays des Hurons,
puisqu'il est abandonné tant des François que
des Saunages qui ont esté obligez de le quit-
ter, à cause des Iroquois : le Pays est très-beau
et bon, presque tout déserté comme en France,
situé sur le bord du grand Lac, qui a trois
De la Novvelle- France.
35
cens lieues de circuit, et qui est remply dVn
nombre infiny d'Isles de toutes façons, beau
bois, bonne terre, abondance de chasse et ae
pesche en toute saison, THyuer y dure quatre
mois. l'y ay veu vue pesche qui est fort
agréable, qui se fait aussi bien l'Hyuer sous
les glaces que pendant TEsté ; c'est celle du
Haran, dont il y a abondance. Ce qui est
encor beau à voir en ce Pays-là, ce sont plu-
sieurs petits lacs d'vne lieue et de deux lieues
de tour, qui se voyent au milieu de ces terres
defFrichées, bordées de prairies tout à l'entour,
et en suitte d'vn petit bois, d'où sortent
quantité de Cerfs qui viennent paistre ; de
sorte qu'allant à l'affust, on ne peut manquer
de faire cx)up ; et à la saison vous les voyez
tous chargez de Gibier de riuiere. Les Coqs-
^ d'Indes et autres oyseaux se trouuent dans
les (champs. Mais ie ne vous veux, et ie ne
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1^
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36
Mœvrs et Productions
puis pas faire la description de tous les beaux
lieux de ces Pays-là, ny des commoditez qui
S'Y rencontrent, estre bref comme ie pretens.
•:o:
DESCRIPTION
-DBS-
TERRES DONT NOUS AUONS CONNUIIGE.
le crois qu'il n'est pas hors de propos de^
vous faire icy vne petite description des Ter-
res dont nous auons connaissance, comme
elles sont différentes en diuers lieux, soit
pour la forme, la bonté et la nature de la
terre.
le ne vous parleVay point des premières
qu'on rencontre venant de France, puisqu'elles
De la Novvelle- France.
37
ne valent pas la peine que l'on en parle, en
comparaison des autres : à proprement parler,
ce ne sont pas des terres, mais de grands ro
chers horribles à voir.
Depuis risle Percée qui est l'embouchure
du fleuue jusques vis à vis de Tadoussac, du
costé du Sud, que les nauires fréquentent
quand ils montent à Québec, toutes les terres
paroissent hautes, et la plupart grandes mon-
tagnes : c'est ce qui a donné le nom aux
Monts Nostre-Dame, qui tiennent vne partie
de ce chemin là, et l'on dit qu'ils ne sont
quasi iamais decouuerts de neige, et par con-
séquent inhabitables : ce n'est pas qu'il n'y
ait entre les dites Montag-nes et Je bords du
grand Fleuue, quatre, cinq, et quelquefois
huit lieues de plat-pays, et que tout ce Pays
ne soit coupé d'espace en espace par de belles
riuieres. le le juge toute fois fort malpropre
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88
Mœms et Productions
pour estre hahité, sinon Gaspé que j 'estime
fort propre à faire vne habitation : c'est vne
Baye qui entre dans les terres assez auant, et
qui fait vn bassin propre à mettre les Nauires
à l'abry.
Dans le fond de la Baye, les terres parois-
sent fort propres à habiter. D'ailleurs, il y a
grande pesche Je i\!]oluë en ces quartiers-là.
Il y a aussi trois autres beaux Havres dix
ou douze lieues au dessous sçauoir : l'Isle
Percée, Bonauenture et Miscou, où toutes les
années des Nauires vont à la pesche de la
Moluë en tous ces Havres. Ce seroit vn lieu
très-propre pour avoir correspondance auec
Québec, puisqu'on y va facilement auec des
Barques et des Chalouppes.
Là au droit se voit l'Isle d'Antieosti, dont
ie ne vous parleray pas, n'y ayant point esté,
seulement ay-je ouy dire que c'estoit vne fort
De la Nowelle-Franee.
89
belle terre, aussi, bien que la coste du Nort,
depuis Tadoussac descendant en bas, dans
laquelle on rencontre quantité de belle riuie-
res, bien profondes et grandement poisson-
neuses ; mais surtout, abondantes en Sau-
mons ; il y en a des quantitez prodigieuses,
selon le rapport que m'en ont fait ceux qui y
ont esté. *
Depuis Tadoussac jusques à sept lieues pro-
che de Québec, que l'on nomme le Cap-Tour-
mente, le Pays est tout à fait inhabitable,
estant trop haut et tout de roche, et tout a
fait escarpé. le n'y ay remarqué qu'un sevl
endroit, qui est la Baye St. Paul, enuiron sur
la moitié du chemin, et vis-à-vis l'Isle aux
Coudres, qui paroi t fort belle lorsqu'on y
passe, aussi bien que toutes les Isles qui se
trouuent depuis Tadoussac jusques à Québec,
lesquelles sont toutes propres à estre habitées.
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40
Mœvrs et Prodvdtom
le n*en fais point de description en particulier,
n'ayant dessein que de vous donner qu'vne
briefue connoissance de tous le Pays, et de
quelques lieux principaux.
La coste du Sud depuis Tadoussac jusques
à Québec est fort belle, et vne terre plus basse
et qui paroist, par les arbres dont elle est
chargée, estre fort bonne. H y a plusieurs bel-
les riuieres toutes remplies de poissons et de
gibier dans la saison ; il se trouue de belles
prairies le long de la coste, qui fait qu'il y
a quantité de bestes faunes.
Depuis Québec jusques aux Trois-Riuieres,
du mesme costé du Sud, les terres sont assez
belles, et il y a d'assez beau bois ; mais elles
sont éleuées jusques à six ou sept lieues au
dessous des Trois-Riuieres, où elles commen-
cent à estre basses, belles, vnies : et cela con-
tinue jusques dans le Pays des Iroquois. Ces
D^ la Novvefle-France.
41
ri
terres sont parfaitement bonnes, entrecoupées
de riuieres, garnies de lacs par endrois. Quan-
tité de prairies se rencontrent non seulement
le long du fleuue, à l'entour des lacs dans ces
petites riuieres, mais encore dans les terres :
ce qui fait que la chasse y est abondante,
tant d'Oyseaux que d'Animaux.
Du costédu Nort, depuis le Cap-Tourmente,
qui est sept lieues plus bas que Québec, jus-
ques au Cap-Kouge, qui est trois lieiias au
dessus ; cela est habité le long du grand
fleuue : depuis le Cap-Eouge jusques à la
riuiere Sainte Anne, qui font enuiron dix-sept
lieues de Pays en montant, les terres y sont
assez belles; mais l'abord n'en est pas si
agréable, à cause que la pluspart de la coste
est pierreuse. Il ne laisse pas de s'y trouver
de belles riuieres, et des prairies par endroits.
Depuis la riuiere Sainte Anne jusques aux
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42
Mœvrs et Prodvctions
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Trois-Riuiores, qui contient enuiron dix lieues
de Pays, les terres y sont très-belles et basses ;
le bordage le long du grand fleuue est sable
ou prairies ; les forests y sont très-belles et
bien aisé(»s à défricher.
Depuis Québec jusques aux Trois-Eiuieres,
il n'y a point d'Isles, sinon deux petites d'en-
uiron vne lieuë de tour chacune, et qui sont
proches de la terre-ferme du costé du Nort ;
elles se nomment l'Isle Sainte Anne et l'Isle
Saint Eloy.
Depuis les Trois-Riuieres jusques au Mont-
Royal, il y en a quantité et de foit belles, et
la pluspàrt n'ont pas encore de nom ; quel-
ques-vues des principales s'appellent l'Isle
Saint Ignace, auprès de laquelle il y en a
prés d'vne vingtaine que l'on appelle les Isles
de Richelieu. le ne diray rien de leurs beautez,
ny de la grande chasse et pesche qui s'y ren-
De la Novvelle- France.
48
contre ; ie serois trop long si à tous les en-
droits j'en voulais faire vue déduction ; ie me
contentray seulement de dire que les prairies
y sont abondantes.
Il croist dans les bois vne quantité prodi-
gieuse d'ortyes propres à faire du chanvre ;
les Saunages Hurons et Iroquois s'en seruént
pour faire diuers ouurages, comme des sacs,
rets, colliers et armures ; il s'en trouue gran-
de quantité en beaucoup d'endroits de ce
Pays icy.
En suite se void d'autres Isles, que l'on
nomme les Isles .Bouchard ; plus haut sont
les Isles Saint lean, en suite les Isles Percées,
risle de Sainte Thérèse, l'Isle Saint Paul, et
plusieurs autres qui n'ont point encore de nom,
toutes très-belles et bien commodes pour estre
habitées, et qui d'ailleurs, sont abondantes en
chasse, pesche et prairies.
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44
yiœvrs et Prouviiion.>.
Saluant la coste du Nort, le Pays est très-
beau, et tout le long du fleuue se sont prai-
ries ; beaucoup de petites riuieres arrousent
ces terres.
La riuiere des Prairies est vne grande
•riuiere qui se joint au fleuue Saint Laurent
six lieues au dessous de l'habitation de Mont-
Eoyal, vingt-quatre lieues au-dessus des Trois-
Riuieres ; l'on prend cette riuiere pour aller
au Pays des Hurons, quoyque le chemin en
soit beaucoup plus long et plus mal-aisé que
l'autre, pour éuiter les Iroquois qui habitent
sur le bord du grand lac qu'on appelle le lac
des Iroquois, par où passe cette grande riuiere.
le ne feray point la description des terres
qui se rencontrent des deux costez de cette
riuiere qui tire au Nort, veu qu'il est mal-aisé
d'y^pouuoir habiter à cause des sauts au cas-
cades d'eaux qui s'y rencontrent, qui empes-
chent la riuiere d'estre nauigable à d'autres
bastimens qu'aux petits Vaisseaux dont se
De In Novvel le- France.
45
sèment nos Sauuagos, qui peuuent estro
transportez dVn lieu à vn autre, sans autre
machine que les épaules dVn homme, on do
deux au plus. C'est bien dommage ; car il y a
de très-beaux Pays, et qui meriteroient bien
d'estre habitez : mais surtout, vn endroit
appelé la Petite-Nation, qui est enuiron vingt
ou trente lieues au dessus du Mont-Royal, et
qui contient presque vingt li< aôs de Pays le
long du fleuue, le plus beau qui se puisse
voir pour vn Pays non-habité ; car les Iroquois
en ont chassé les Saunages qui y habitoient.
C'est vn beau bois remply de petits lacs et de
prairiefl, auec vn fort grand nombre de petites
riuieres * tout cela si plain de chasse et de
pesche, qu'il n'est pas croyable : mais ce qui
est le plus admirable, c*est le grand nombre
de bestes faunes qui s'y rencontre ; car ie
sçay qu'il y a eu de nos François qui en des-
cendant des „Hurons, ont fait rencontre de
bandes de ces animaux, qu'on appelle icy va-
ches saunages, qui sont proprement de grands
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46
Mœvn et Prodvctions
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Cerfs, où ils estimoient qu'il y en auoit bien
huit à neuf cens, sans parler des vrais Cerfs,
des Ours, Elans, Castors, Loutres, Rats
musquez, et plusieurs autres sortes d'Ani-
maux : mais la porte en est fermée, par vn
grand sault qui a pour le moins trois lieues
de long : quand ie dis fermée, c'est pour le
présent ; car quand le Pays sera habité, et
que les Iroquois seront soubmis, on trouuera
bien l'inuention de s'en rendre l'entrée facile :
et puis on ne manque pas de beaux lieux à
habiter, qui ne peuuent pas estre occupez
d'icy à bien long-tems. En voila ce me semble
assez pour connoistre le Pays ; disons seule-
ment vn petit mot du terroir : il s'y trouue
de la terre glaise par endroits. La terre est
noire, sablonneuse, rouge, pierreuse en d'au-
tres endroits ; mais toutes sont assez fertiles :
et pour prenne de cela, ie feray le Chapitre
suiuant des arbres qu'elle produit.
i
DES ARBRES QUI CROISSENT
DANS LA
NOUUELLE-FEANCE.
ORAPZTBE XV.
le vois bien que le Lecteur curieux deman-
de desia quels sortes d'arbres croissent dans
ces grandes forests, et si ce sont touiours les
lî^esmes partout ; à quoy sont-ils bons ? s'en
peut-on seruir à quelques choses ? sont-ils
gros ? sont-ils hauts ? le bois est-il sain ? A
toutes ces questions, mon cher Lecteur, ie
vous y répondray, vous en faisant k doscrip-
iii
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Mœvn et Prodvdions
finii'
ï kM
tion la plus naïfue que ie pourray, et auec
toute la sincérité possible, tâchant de fuyr
toutes exaspérations, comme j^ay fait, et comme
j'espère de faire dans tout le reste de mon
discours : eif suitte vous jug-eray à quoy ils
sont propres et ce qu'on en pourra faire. le
n'y .«^arderay point d'ordre : îe les nommeray
c^mme ils me viendront en la mémoire ; ie
commenceray par vn, qui est le plus utile icy,
que l'on nomme Pin, qui n'apporte pas de
fruit comme ceux de l'Europe ; il y en a de
toutes g'rosseurs et grandeurs ; ils viennent
ordinairement de la hauteur de cinquante à
soixante pieds, sans branches r l'on s'en sert
pour faire de la planche, qui est fort belle et
bonne ; et l'on dit que ces arbres seroient
bi(Mi propres k faire des masts de Nauires. Il
s'en tvouue d'assez menu et haut pour cet
effi't : p<»s arbres sont forts droits : il y a d(?
IHlili
De la Nowelle-Prame.
49
^ands Pays qui n'en portent point : mais
les lieux où ils naissent sont appelez Pinieres.
Ces arbres rendent quantité de gomme ;
les Saunages s'en seruent pour brayer leurs
canots, et on s'en sert heurrusement pour les
playes, où cette gomme est fort souueraine.
Il croist aussi des Cèdres, le bois en est fort
tendre, il a la fueille platte, et le bois est quasi
comme incorruptible : c'est pourquoy on s'en
sert icy pour faire les clostures des jardins, et
les poutres de caues : il sent assez bon ; mais
d'ordinaire les arbres ne sont pas sains : ce-
pendant il s'en trouue plusieurs gros qui
pourroient seruir à faire du meuble ; il rend
vue gomme, qui estant brûlée, a vne très-
bonne odeur comme de l'encent. le ne sache
pas qu'elle aye d'autre qualité.
Il y a des Sapins comme en France : toute
la différence que j'y trouue, c'est qu'à la plus-
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50
Mœvrs et Prodvctiom
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part il y vient des bubons à Técorce, qui sont
remplies dVne certaine gomme liquide qui
est oromatiqne, dont on se sert pour les playes
comme de baumes, et n'a pas gueres moins
de vertu, selon le rapport de ceux qui ont
fait l'expérience : on en dit plusieurs autres
mais ie laisse cela aux Médecins.
Il y a vne autre espèce d'arbre, qu'on nom-
me Epinette : c'est quasi comme du Sapin,
sinon qu'il est plus propre à faire des masts de
petits Vaisseaux, comme des chalouppes et
barques, estant plus fort que le Sapin. le
parle de l'Espinette verte : car il y en a de
deux sortes ; l'vne verte, et l'autre rouge.
L'Epinette rouge est d'vn bois plus ferme
et plus pesant, et fort propre à bastir ; elle se
dépouille de ses fueilles en Automne, et les
reprend au Printemps : ce qui n'arriue point
De la Nowelle-France.
61
aux autres sapinages. L'escorce eu est rouge ;
il ne rend pas quasi de gomme, tout au con-
traire de TEpinette verte qui en a quantité.
Il y a encore vue autre espèce que Ton ap-
pelle Prusse ; ce sont ordinairement de gros
arbres qui ont trente ou quarante pieds de
haut sans branches : ils ont vue grosse écorce
et rouge : ce bois ne pourrit pas si facilement
que les autres ; c*est pourquoy on s'en sert
ordinairement pour bastir. Ce qu'il y a de
mal dans ce bois, c'est qu'il s'en trouue quan-
tité de rouillé, ce qui le fait rebuter. De celuy-
là il en vient par tout, en bonne et mauuaise
terre : il ne produit point de gomme.
Il faut remarquer que tous les sapinages ne
croissent que dans des lieux humides, à la
reserue des Pins et Prusses, qui viennent
aussi bien aux lieux secs qu'aux lieux hu-
mides.
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52
Mœvrs et Prodvetions
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Il y a vne autre espèce d^arbre qu'on ap-
pelle Herable, qui vient fort gios et haut : le
bois en est fort beau, nonobstant quoy on mi
s'en sert à rien qu'à brûler, ou pour emman-
cher des outils, à quoy il est très-propre, à
cause qu'il est extrêmement doux et fort.
Quand on entaille ces Herables au Printemps,
il en dégoûte quantité d'eau, qui est plus
douce que de l'eau détrempée dans du sucre ;
du moins plus agréable à boire.
L'arbre appelé Merisier, dénient -gros et
haut, bien droit. Son bois sert à faire du
meuble, et a monter des armes. Il est rouge
dedans, et est le plus beau pour les ouurages
qu'il y ait en ces quartiers. 11 ne porte aucun
fruit.
On l'a nommé Merisier, parce que son
écorce est semblable aux Merisiers de France.
De la Novaelle- France.
53
Il y a aussi du bois de Hestre, fort beau et
bon, qui porte de la fay ne comme en France :
mais Ton ne s'en sert qu'à brûler.
Il se trouue de deux sortes de Chesnes;
l'vn est plus poroux que l'autre. Le poreux
est propre pour faire du meuble, et autre
trauaille de menuzerie et de charpente :
l'autre est propre à faire des Vaisseaux pour
aller sur l'eau : ces arbres viennent hauts,
gros, et droits, et surtout vers le Mont-Royal.
Il y a aussi de deux sortes de Fresne, l'vn
appolé franc-Fresne, et l'autre Fresne-bastard :
Ce3 arbres viennent bien hauts et bien droits,
le boiis en est fort beau et bon.
Il y a des Ormes qui viennent fort gros et
hauts, le bois en est excellent, et les Charrons
de ce Pays s'en seruent fort.
Il y a des noyers de deux sortes, qui appor-
tent des Noix: les vns les apportent grosses et
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il
54
Mœurs et Prodvctions
dures ; mais le bois de l'arbre est fort tendre,
et Ton ne s'en sert point, sinon à faire des sa-
bots, à quoy il est fort propre : de celuy-là il
y en a vers Québec et les Trois-Riuieres en
quantité : mais peu en montant plus haut ;
l'autre sorte de Noyers apporte des petites
noix rondes, qui ont l'éeale tendre comme
celle de France ; mais le bois de l'arbre eut
fort dur, et rouge dedans : on commence d'en
trouuer au Mont-Eoyal, et il y en a quantité
dans le pays des ^Iroquois. Les Saunages
mesmes se seruent des Noix à faire de l'huile,
laquelle est excellente.
Vne autre espèce d'arbre, qu'on appelle de
la Plaine, est quasi comme l'Herable ; mais
vn peu plus tendre, qui sert à brusler.
Il y a du BouUeau, dont les arbres viennent
fort gros et hauts ; nos Saunages se seruent
de l'écorce pour faire leurs canots, et pour
1!!!!'
De la Nowelle-France.
66
coiiurir leurs cabanes portatiues ; cela se rou-
lant comme vn tableau, on le déroule et on
retend sur deux ou trois perches plantées en
terre, et on se met à l'abry là dessous, comme
on leroit sous vne tente ; les Saunages en
font encore des plats et autres petits vais-
seaux à leurs vsages ; le bois en est fort beau
et bien «ain, mais on ne s'en sert à rien icy.
Il se trouue aussi du Tremble de toutes
façons ; c'est à dire, gros et petit, qui sert à
la nourriture des Castors qui en ayment fort
Técorce.
Il y a d'autres arbres appelez Bois-blanc,
que quelques vns appellent Tillot ; le bois en
est blanc et bien tendre, qui pourrit facilement
à Veau : l'escorce sert à nos Saunages en beau-
coup d'vsages ; car celle des plus gros arbres
leur sert à faire vne espèce de tonneau, dans
lequel ils mettent leur grain et autres choses.
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il
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56
Mœvrs et Prodrctions
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L'escorce des petits leur sert à lier, et mes-
me ils en font vn chanvre, duquel ils se ser-
uent pour faire des cordages.
Il y a des Chattagniers et des Meuriers. qui
se trouuent seulement dans le pays des
Iroquois : pour les Chattagniers, il y en a en
abondance, et qui raportent du fruit aussi
bon que ceux de France : les arbre^ en sont
beaucoup plus gros et plus grand.
Il se void quantité d'autres arbres au dit
Pays d(^8 Iroquois, qui no sont point icy dans
noscartiors, et dont ; ie ne sçay pas le nom seu-
lement sçay-je bien qu'il y en a qui ont le
bois rouge et fort propre à faire du meuble.
Il y a aussi en ces quartiers abondance de
Coudriers, qui raportent force noisettes,
sureau, épine blanche, qui apportent des
fruits plus gros qui' ceux de France, et d'vn
bien meilleur goust ; Pruniers qui apportent
De la Nowelle-France,
5t
des prunes roug*es de la grosseur du Damas,
et qui sont dVn assez bon goust, mais non
pas toutes fois si bon que celles de France.
Il y a des Saules et des Aulnes en abon-
dance.
Il s'y trouue des Groseliers, qui apportent
des groseilles de deux sortes ; les vnes comme
en France, les autres toutes plaines de pique-
rons.
n y a des Gadeliers ou Groseilles rouges.
Il y a de petits arbres que Ton appelle
Merisiers, qui apportent de deux ou trois sor-
tes de petits fruits : le goust n'en est pas dé-
sagréable ; mais ils sont bien petits ; les ar-
bres ne deuiennent iamais gros.
Il y a encore d'autres petits fruitiers sem-
blables, qui ne valent pas la peine d'en pi rler,
pour n'estre pas considérables.
58
Mœvrs et Prodvdions
I
m
111
Puisque ie suis sur les fruitiers, ie n'obmet-
trez pas à vous parler des Framboisiers et
Fraisiers, qui sont en tout ce Pays en si grande
abondance, qu'il n'est pas croyable ; toutes
les terres en sont remplies, et cela vient par
dépit : cependant, ils produisent vne si grande
quantité de fruits, que dans la saison on ne
les peut épuiser : elles viennent plus grosses
et de meilleur goust qu'en France.
Il se trouue d'vne autre sorte de petits
fruits, gros comme de gros pois, ils s'appellent
Bluets, et sont d'vn excellent goust : l'arbre
qui les produits n'a pas plus d'vn pied de
hput : ils ne croissent pas partout ; mais il y
a des endroits où il y en a grande quantité.
Les Eonces de ce Pays produisent vn f *'^
qui est quasi d'aussi bon goust que nos mi ti-
res de France ; il n'est pas si gros.
Il y a quantité de petits fruits dont ie ne
De la Nowelle-France.
59
sçay pas les noms, et qui ne sont pas beau-
coup exquis, mais se mangent faute d'autres.
Il y a aussi abondance de Vignes saunages,
qui portent des raisins : le grain n*en est pas
si gros que celui de nos Vignes de France, ny
les grappes si fournies : mais ie croy que si
elles estoient cultiuées, elles ne differeroient
en rien : le raisin en est vn peu acre, et fait
de gros vin, qui tache beaucoup, et qui d'or-
dinaire est meilleur vu an après, que Tannée
qu'il est fait.
Quelques particuliers ont planté quelques
pieds de Vigne venue de France dans leurs
jardins, qui ont rapporté de fort beaux et
bons raisins. •
On n'a point encore planté icy d'arbres de
France, sinon quelques Pommiers qui rappor-
tent de fort bonnes pommes et en quantité,
mais il y a bien peu de ces arbres.
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Noms des Animm qui se rencontrent
AU PAYS DE
Mi
La Nouuelle-France.
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liil!
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OKAVZnUi V.
Pour satisfaire à la promesse que j'ay faite
daixs mon premier Chapitre, de traiter de cha-
que «hose en particulier : le vous feray ce
Chapitre du nom deb Animaux, et des lieux
où ils se rencontrent d'ordinaire ; car comme
vous sçauez, toutes les choses ne son^ pas en
vn mesme endroit. Par ce moyen, ie vous
I vil;!
De la Nowelle- France.
61
osteray la coufusion qu'on peut auoir dans
l'esprit, prenant les choses en gros ou en gê-
nerai.
Commençons donc par le plus commun et
le plus vniuersel de tous les Animaux de ce
Pays, qui est l'Elan, qu'on appelle en ces quar-
tiers icy Orignal : ils sont plus grands d'ordi-
naire que de grands Mulets, et ont à peu prés
la teste faite de mesme. La différence qu'il y
a, (î'est que les masles portent des bois four-
chus comme celuy des Cerfs sinon qu'ils
sont plats. Ils leur tombent tous les ans, et
croissent tous les ans d'vn fourchon. La chair
en est bonne et légère, et ne fait iamais de
mal. La peau se porte Cm France pour la faire
passer en buffle, la mouelle est medecinale
contre les douleurs de nerfs. L'on dit que la
corne du pied gauche est bonne pour le mal
(•adu(î : (t'est vu animal bicMi haut sur jambe
62
Mœvrs et Prodv lions
et bien dispos : il a le pied fendu : il est sans
queue ; il se defFend des pieds de deuant
comme les cerfs.
Le Caribou est vn animal de la hauteur
enuiron dVne Asne, mais qui est fort dispos.
Le masle a le pied fourchu, et Touure si large
en courant, qu'il n'enfonce point l'Hyuer
dans les neiges quelques hautes qu'elles puis-
sent estre. Il porte vn bois fourchu, rond et
bien pointu. La chair en est bonne à manger,
et délicate.
L'Ours est de couleur noire, et n'y en a
point de blancs en ces quartiers. La peau des
petits est estimée pour faire des manchons. Ils
ne sont point mal-faisans si on ne les irrite :
la viande en est bonne à manger : la graisse
fondue dénient comme de l'huile, et est bonne
contre les humeurs froides. Il est six mois sans
sortir des lieux où il se tient ca<*hé : il se re*
De la Nowelte-France.
m
.Ils
rite :
aisse
onue
sans
■se re-
tire dans des creux d'arbres pour l'ordinaire :
il ayme beaucoup le gland, de la vient qu'il
y en a si grande abondance allant au Pays
des Iroquois : il est carnassier, tue les co-
chons pour les manger quand il en attrappe à
l'écart.
Les Animaux qu'on appelle icy Vaches sau-
nages, sont espèce de Cerfs : les masles por-
tent des bois tout semblables, et quittent
leurs bois tous les ans : ils ont le pied four-
chu ; ils sont grands comme de grands Cerfs,
la viande en est délicate, et ces Animaux
vont ordinairement par bandes, et ne se ren-
contrent pas partout. On n'en void point au
dessous des Trois-Riuieres, mais bien au des-
sus ; plus on monte en haut vers les Iroquois,
et plus il y eu a.
11 y a aussi des Animaux qu'on appelle
(>erfs, qui sont de la mesme façon que ceux
: ^
■i :■ iJ"
il
«4
Mœvrs et Prodvdions
de France à la reserue qu'ils sont plus petits,
et d'un poil plus blanchastre. De ceux là il ne
s'en trouue pas au dessous du Mont Royal,
mais bien au dessus ; montant plus haut, il y
en a sans nombre.
Quant est des Animaux qu'on appelle
Bulles, il ne s'en trouue que dans le pays des
Outaouak, enuiron à quatre ou cinq cens
lieues de Québec, tirant vers l'Occident et le
Septentrion.
Il y a des Loups de deux sortes, les. vns
s'appellent Loups Ceruiers, dont la peau est
excellente à faire des fourures. Ces Animaux
abondent du costé du Nort, et il s'en trouue
peu proche nos habitations; les autres sont
Loups communs, qui ne sont pas du tout si
grands que ceux de France, ny si malins, et
ont la pcMU plus belle : ils ne laissent pas
d'estn^ carnassiers, et font la guerre aux
m
De la Nowelle-France.
65
Animaux dans les bois : et quand ils trouuent
de nos petits chiens à l'écart, il les mangent.
Il y en a peu vers Québec. Ils sont plus com-
muns à mesure que l'on monte en haut.
Il y a aussi quantité de Eenards par tout
le Pays : comme ie ne trouue point qu'il y
ait de différence auec ceux de France, ie n'en
parleray point : sinon qu'il s'en trouue quel-
quefois de noirs, mais bien rarement.
Il y a vn autre sorte d'animal plus petit
qu'vn Renard, qui monte sur les arbres : on
l'appelle Enfant du Diable ; il est extrême-
ment carnacier, et il a l'industrie de tuer des
Elans : la chair en est bonne.
Il y a aussi quantité de Martres ; mais elles
sont toutes rousscis, et il ne s'en void point
de noires.
Il y a d'autres Animaux que l'on appelle
des Chats saunages, quoy qu'ils ne ressem-
■•h
1
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66
Mœws et Productions
blent gaeres aux autres Chats ; mais c'est à
cause qu'ils grimpent aux arbres : ils sont
plus gros beaucoup que les nostres : ils sont
d'ordinaire extrêmement gras, la viande en
est bonne : les Saunages se seruent de la peau
pour en faire des robes.
Il y a des Porcs-Epics. Les Saunages se
seruent du poil qui est fort gros, creux et
pointu par les deux bouts, pour faire diuers
petits ouurages qui leur seruent d'ornemens
parmy eux, comme les passemeus parmy nous :
la Aâande de cet animal est bonne.
Il y a vn autre animal vn peu plus petit,
qu'on nomme Sifleur : il loge en terre et fait
vne tanière comme le renard : la viande en est
aussi bonne.
Il y a quantité de Lièvres, ils ne sont pas
si grands que ceux de France. Ce qui est re-
marquable, c'est qu'en Esté ils sont gris, et
De la Nowelle-France.
67
l'Hyuer ils sont blancs : ainsi ils changent
deux fois de couleur l'année.
Il y a d'autrr»s animaux que Ton appelle Bes-
te puante. Cet animal ne court pas viste :
quand il se void poursuiuy, il vrine : mais cette
vrine est si puante, qu'elle intecte tout le voisi-
nage, et plus de quinze iours ou trois semaines
après, on sent encore Todeur approchant du
lieu. Cet animal étrangle les poules quand il
les peut atraper.
Il y en a vne autre espèce d'animaux qui
leur font la guerre, qui sont beaucoup plus
petits, que Ton nomme Pescheurs, parce qu'ils
ront dans le fond de l'eau comme à terre.
Il y a quatre sortes d'Escurieux, les vus
sont roux comme ceux de France ; d'autres
sont plus petits, et ont deux barres blanches
et noires tout le^ong du dos ; on les nomme
Escurieux Suisses : il y en a d'vne troisième
\\l
68
Mœvrs et Productions
sorte qui sont gros et cendrez, qu'on appelle
Escurieux Volans, parce qu'ils volent en effet
d'vn arbre sur l'autre, par le moyen de certai-
nes peaux qui s'estendent lorsqu'ils ouurent
les pâtes : ils ne volent iamais en montant
comme les oyseaux, mais droit ou en descen-
dant ; ils sont beaux et mignons : la quatrième
espèce sont des Escurieux noirs ; ils sont plus
gros que tous les autres : la peau en est très-
belle, et les Saunages s'en seruent à faire des
robes : cet animal est joly et curieux ; mais il
ne s'en trouue que dans le pays des Iroquois.
Apres cela nous parlerons des Animaux
Amphibies, qui viuent et dans l'eau et sur
terre, comisne Castor, Loutre, et Rat musqué.
Le Castor ou Biévre est vn animal qui a les
jambes fort courtes, vit dans l'eau et sur terre :
il a vne grande queue platte, dont la peau est
en façon d'écaillé : vous sçauez que le poil
De la Naiwelle-France,
69
sert à faire des chapeaux, et c'est le grand
traffic de ce Pays-icy.
Ces animaux multiplient beaucoup ; la
chair en est délicate comme celle de mouton :
les testicules sont recherchez par les Apoti-
caires. Cet animal tout grossier qu'il est a vne
merueilleuse industrie, non seulement à se
loger dans l'eau et dans terre, mais surtout a
bastir des digues : car ils ont l'addresse d'ares-
ter les petites riuieres, et de faire des chaus-
sées que l'eau ne peut rompre, et font par ce
moyen noyer vn grand Pays qui leur sert
d'Estang pour se jouer, et pour y faire leur
demeure. Les Saunages qui vont à la chasse,
ont toutes les peines du monde à rompre ces
digues. Les Castors qui sont du costé du Nort
valent bien mieux, et le poil en est plus ex-
cellent que de ceux du costé du Sud.
Pour les Loutres ils se trouuent d'ordinaire
Sj!
i; .
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Ml
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70
Mœvrs et Peoivdions.
dans les lacs ; il y en a quelques-vns qui ont la
peau assez belle.
# Le Rat musqué est vn animal qui vit dans
l'eau, et qui est asseurément estimé pour les
testicules qui sentent le musc pendant deux
mois, qui est le tems qu'ils sont en chaleur,
sçauoir Auril et May : leur peau ressemble à
celle d'vn Lapin, tant pour la couleur que
pour la grandeur ; la chair en est bonne.
Il y a aussi des Belettes, Mulots, Taupes, et
Souris : Voila pour ce qui est des animaux du
Pays. Voicy le nom de ceux que l'on amené
de France, des Bœufs et des Yaches : les
Bœufs seruent à labourer la terre, et à trainer
du bois l'Hyuer sur les neiges. Des Cochons
en grand nombre : des Moutons il y en a peu :
des Chiens, des Chats, et des Bats. Voila les
animaux que Ton nous a amené de France,
qui font bonne fin en ce Pays-icy.
De la Nawelle- France.
71
Apres auoir parlé de tous les animaux qui
sont dans le Pays, disons vn mot des Reptiles
qui s'y trouuent.
Il s'y void des Couleuures de plusieurs sor-
tes : il y en a qui ont la peau émaillée de
blanc et de noir ; d'autres de jaune et de verd :
elles ne sont pas mal-faisan tes, du moins on
ne s'en est pas encore apperceu : les plus lon-
gues sont enuiront d'Anne aulne ; mais il y a
peu de si longues. Plus on va en haut, plus il y
en a.
Dans le Pays des Iroquois, il y en a d'vne
autre sorte que l'on appelle des Couleuures à
sonnettes ; celles-là sont dangereuses, elles
mordent quelquefois les Sauuages, qui en
mourroient en peu de temps, n'estoit la con-
noissance d'vne herbe qu'ils ont, laquelle
croist en ce Pays, qui estant appliquée sur la
blessure en forme de cataplasme, en tire tout
le venin.
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12
Mœurs et Prodvctkms,
Il y a des Ijezards et autres petits animaux
semblables: des Crapaux, mais ie n'en ay
jamais veu de si gros en France.
Il y a des Grenouilles de plusieurs sortes ;
j'en ay veu de trois, sçauoir les rnes aussi
grosses que le pied dVn cheual, qui sont ver-
tes et se trouuent sur le bord du grand Fleu-
ue ; elles meuglent le soir comme vn Bœuf,
et plusieurs de nos nouueaux venus y ont
esté trompez, croyans entendre des Vaches
saunages ; ils ne vouloient pas croire quand
on leur disoit que c'estoit des grenouilles, on
les entend d'vne grande lieuë. Les Saunages,
Hurons, les mangent, et disent qu'elles sont
fort bonnes.
Il y en a d'autres semblables à celles de
France, et c'est de celles-là qu'il y en a le plus
grand nombre.
l'en ay veu d'vne troisième sorte, qui sont
Le la Nowelle-France.
73
toutes comme les grenouilles communes, sinon
qu'elles ont vne queue : ie n'ay iamais veu de
celles-là qu'en vn seul endroit, le long d'vne
petite riuiere ; mais j'en vis plus d'vn cent.
-;o:-
\
NOMS DES OYSEAUX QUI SE VOYENT
-EN LA
NOUUELLE FRANCE.
-;o:-
CHAPZTSE VZ.
-:o:-
En vous mettant le nom des oyseaux qui
sont dans ce Pays, ie ne vous parleray point
de ceux qui se rencontrent à l'entrée du Gol-
fe, comme Cormorans, Tangueux, Fauquets,
Poules d'eau, G-riseaux, et vne infinité d'au-
i«
Ml
74
Mœvrs et Prodvctions.
très, qui sont plustost oyseaux de mer que de
terre : mais ie vous nommeray seulement ^eux
qui sont proches de nous, et que l'on tue tous
les iours, <omme Cygnes, Outardes, Breu(\s-
ches, Oyes sauuages. Grues, Canards, Cercelles,
Plongeons de plus d'^ dix sortes, Huarts, Bu-
tors, Hérons, Bec(îasses, Beccassines, Cheua-
liers, Pluuiers, Pirouys, Alloueites de mer :
car il n'y en a point des champs. Tou.s les
noms cy-dessus son oyseaux de riuieres ; veu
que si ils ne se trouuent dedans, ila se trou-
uent le long des bords.
Tout ce Pays est remply de ce Gribier dans
la saison, qui est le Printemps et l'Automne.
Comme Loutarde n'est pas vn oyseau com-
mun en France, j'en i'eray une petite descrip-
tion, à cause que c'est le Gribier d(^ riuiere le
plus commun d'icy ; elle est faite tout comme
vue Oye grizc, mais beMU''oup i)lus gross(%
De la No vvel le- France.
i')
elle n'a pas la chair si d*-licat(^ que celle di^s
Oyes que nous voyons icy en (.'anada ; qui cmi
passant soiii toutes bkniches, à la reserUe du
bout des ailes et de la queue qui est noire :
car pour la chair des Oyes de France, il s'en
faut beaucou}) qu'elles approchent du goust
de celuy de nos Outardes. ;
Les jioms des autres Oyseaux sont, l'Aigle,
le Cocq-d'Inde, des Oyseaux de proye de plus
de quinze sortes, dont ie ne sçay pas les noms,
sinon de l'Eperuier et de l'Emerillon.
La femelle de l'Aii^le a la teste et la
queue blanche, on l'appelle Nonnette. ,,
^ . Pour le Cocq d'Inde saunage, il ne s'en
•
trouue point ny à Québec, ny aux Trois-
Kiuieres, ny à Montréal : mais dans le Pays
des L'oquois, et dans le Pays où demeuroient
autrefois les Hurons, il y en a des q nanti tez,
et dont la chair (\st bien plus delic*ate, que
des Cocqs-d'Inde domestiques.
r*i'i
te
Mœvrs et Productions
Il y a trois sortes de Perdrix ; les vnes sont
blanches, et elles ne se trouuent que l'Hyuer,
elles ont de la plume jusque sur les argots,
elles sont fort belles et plus grosses que celles
de France, la chair en est délicate. Il y a
d'autres perdrix qui sont toutes noires, qui
ont des yeux rouges * elles sont plus petites
que celles de France, ïa chair n'er^ est pas si
bonne à manger ; mais c'est vn bel oyseau, et
elles ne sont pas bien communes
Il y a aussi des Perdrix grises, qui sont
grosses comme des Poules : celles-là sont fort
communes et bien-aisées à tuer ; car elles ne
s'enfuyent quasi pas du monde : la chair est
extrêmement blanche et seiche.
Il a d'vne autre sorte d'Oyseaux, qui se
nomment Tourtes ou Tourterelles, (comme
vous voudrez) : elles sont presque grosses
comme des pigeons, et d'un plumage cendré :
De la NovveUe-Franœ.
11
les masles ont la 2:ori>*e rousse, (ît sont d'vn
excellent goust. Il y en a des quantités pro-
digieuses, l'on en tuë des quarante et quaran-
te-cinq d'vn coup de fusil : ce n'est pas que
cela se fasse d'ordinaire ; nriais pour en tuer
huit, dix, ou douze, cela est commun ; elles
viennent d'ordinaire au mois de May, et s'en
retournent tvu mois de Septembre ; il s'en
trouue yniuersellement par tout ce Pays-cy.
Les Iroquois les prennent à la passée auec
des. rets; ils en prennent quelquesfois des
trois et quatre cens d'vn coup.
Il y a aussi grand nombre d'Etourneaux qui
s'abandent en Septembre et Octobre : quanti-
té de Griues, Merles, Hortolans, et vn nombre
infiny d'autres petits oyseaux dont ie ne sçay
pas les noms.
Il y a des Hirondelles, Martinets, Greays,
Pies, mais elles ne sont pas comme celles de
France : car elles sont cendrées et mal-bâties.
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Ï8
Mœurs et Prodvctions.
Il se void des Hiboux et Chats-huans : des
Corbeaux et Corneilles, des Piuerts, et autres
sortes que l'on appelle Picquebois : des petits
oy seaux qui sont tout rouges comme du feu :
d'autres sont rouges et noires : d'autres sont
tout jaunes, et d'autres tout bleus.
Les Oyseaux mouches, qui sont les plus
petits de tous, sont quasi tout verds, à la re-
serue des masles qui ont la gorge rouge.
Les oyseaux que l'on a apporté de France»
sont Poules, Poules-d'Indes, et des l'igeons.
De la Novvelle-France.
79
NOMS DES POISSONS QUI SE TROUUENT
DANS liE
GRANDFLEUUES. LAURENS
ET DANS LBS
Lacs et Eiuieres qui descendent,
i
DONT NOUS AVONS CONNOISSANCK.
' ■ •
:o:
CHAPZTBE VZI.
-:o:-
A l'entrée du Fleuue, il s'y void des Bale-
naux, et l'on dit mesme qu'il y a de grosses
Baleines.
Il y a quantité de Moluës, et Ton enpesche
ju«ques à dix lieues de Tadoussac.
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80
Mœvrs et P^'odvdions
Depuis là jusques au Mont-Royal se trouue
grande quantité de Marsoins blancs, propres
à faire de l'huile, si on les pouuoit attraper.
On en void des quantitez admirables depuis
Tadoussac jusques à Québec, qui bondissent
sur la riuiere. Ils sont extrêmement grands et
gros ; et l'on peut espérer da moins vne bari
que d'huile de chacun, ainsi qu'on a expéri-
menté de quelques-vns qu'on a trouué
échouez. ,
Il y a aussi quantité de Loups-marins vers
Tadoussac, et descendant plus bas ; l'huile en
est excellente, non seulemenr à brûler ; mais
à beaucoup d'autres choses : ils sont fort aisez
à attraper, la peau sert à beaucoup d'vsages.
Il y a quantité de Saulmons et Truites, de-
puis rentrée du (xolfe jusques à Québec : il
ne s'en trouue point aux Trois-Eiuieres, ny
au Mont-lloyal : mais quantité dans le Pays
c^s Iroquois.
De la Nowelle- France.
81
de-
b: il
^lys
11 y a abondance de Maquereaux, mais ils ne
se trouuent qu'à l'Isle Percée.
Le Haran donne en plusieurs endroits : à
risle Percée, Tadoussac, et autres riuieres, il
va par bandes comme en Europe.
L'Esturgeon se prend depuis Québec en
montant en haut, et dans tous ces grands
lacs, oti il y en a grandes quantitez : il s'en
void bien peu de petits, mais tous grands
Esturgeons de quatre, de six, et de huit pieds
de long : j'ay veu qu'il s'en pe&chait en abon-
dance deuant l'habitation du Mont-Royal,
pendant qu'ils auoient des hommes affection-
nez à la pesche : il est parf litement bon salé,
et S3 garde bien longtemps: j'en ay mangé
qu'il y auoit deux ans qui estoit salé, qui
estoit aussi bon que quatre iours après la
prise.
L'Aloze est plus abondant à Québec qu'en
82
Mœvra et Prodvctions
aucun lieu ; il en a des quantitez prodigieuses
au Printemps» qui est la saison qu'on la pes-
che.
Le Bar est vn poisson d'eau douce : on en
pesche quantité à Québec et aux Trois-Riuie-
res : je n'ay point ouy dire qu'on en prist à Ta-
doussac, ny au Mont Royal : c'est vn poisson
dont la chair est excellente, et oii il y a peu
d'arêtes.
La Barbue commune en tout ce Pays, et
qui abonde par tout, est vn poisson sans écail-
le, qui a la teste plus grosse que le reste du
corps, n'a que la grosse arreste : la chair en
est blanche et délicate, pour estre vn des plus
gras de ce Pays-icy : elle a d'ordinaire vn p^ed
et demy ou deux pieds de long : elle se prend
à l'ameçon : elle est fort bonne salée.
Il y a aussi abondance d'Epi an durant l'Au-
tomne, tant à Québec qu'à Tadoussac.
W"
De la Novveffe- France.
83
.u-
II se tronue des Loches à Tadoussac, et
quantité d'autre sorte de Poissons que j'ob-
mets pour n'en sçauoir les noms.
L'Anguille se pesches à Québec, en plus
grand abondance qu'en aucun lieu, dans le
mois de Septembre et au commencement
d'Octobre : elle est plus grosse et de beaucoup
meilleur goust que celle qui se voit en Fran-
ce, l'en ay veu d'aussi grosses que la jambe
d'vn homme : elle est délicate : elle se garde
fort bien salée : elle se prend auec des nasses :
on en prend si grande quantité, que cela n'est
pas concevable à moins de l'auoir veu.
Les Poissons qui se trouuent dans les petits
lacs et petites riuieres, sont Brochets, Carpes
de plusieurs sortes ; Perches, Braimes, petites
Truites, Poissons dorez, Ouchigans, vne autre
sorte de poisson plat qui n'a point de nom
françois, non plus que le précèdent, qui est
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84
Mœvrs et Prodvctiom
petit, mais excellent, et vn autre nommé le
Poisson blanc ; voila les plus communs qui se
rencontrent par tout.
Les Brochets y sont ordinairement bien
grands Les Carpes, de quelque nature qu'elles
soient, ne sont pas bien excellentes, à moins
que d'estre frites à l'huile : elles ont la chair
molasse.
De tous ces poissons il y a abondan<e dans
tous les petits lacs et petites riuieres.
Dans ces grands lacs, il y a quantité de
beaux et grands poissons, et de di vers espèces,
qui n'on point encore de nom parmy nous
autres François, qui cependant son des man-
gers délicieux. le n'en feray point la descrip-
tion, ils sont encore trop éloignez de nous.
Il serait bien difficile de dire les noms de
tous les poissons qui se prennent dans vn
grand Pays comme celui -cy. De temps en
De la NonveUe-Francc.
8ô
temps il s'en prend quelques-vns dont on n'a
point encore veu de semblables. On troune
aussi des Escreuvisses dans les petites viuie-
res.
j'oublioisà vous fnifo la des riptioii d'vn
poisson, qu'on appelle Poisson armé: il a
enuiroii deux pieds dt demy de long, ,«t m s-
me trois pieds ; il est tout rond, et a six ou
huit poulces de lour ; il est quasi égalemenl
gros partout : il a vne écaille extrêmement
dure, et qu'on ne sçauroit avoir percé d'vn
coup d'épée ; son bec a enuiron huit poulces
de long, et est dure comme de l'os ; armé de
trois rangés de dents de chaque costé, qui
so]it pointues comme des alesnes : la chair ne
vaut pas grand chose à manger. Il est fort fa-
cile a prendre, mais il est rare.
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IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
4
1.0
i.i
12.5
12.2
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86
Mœvrs et Prodvctions
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VEil
Noms des Bleds et autres Grains
APPORTEZ D'EUROPE,
QUI CROISSENT EN CE PAYS.
1
.-,*»,-
Chapitre Vllll.
Dans mou voyage de France, ie rencontray
quantité de personnes qui me demandoient si
le bled venoit en la Nouuelle-France, et si
Ton y mangeoit du pain. C'est ce qui m'a
obligé à faire ce Chapitre, pour desabuser
De la Nouvelle- France.
87
ceux qui croyent que l'on ne vit en ce Pays-
i<;y que de racines, comme on fait aux Isles
Saint Ohristophle. Ils sçauront donc que le
le Bled froment y vient très-bien ; et on y fait
du pain aussi beau et aussi blancs qu'en Fran-
ce. Les Seigles y viennent plus que l'on ne
veut ; toute sorte d'Orges et de Poix y (pois-
sent fort beaux, et Ton ne void pas de ces Pois
verreux plains de Cossons, comme on en void
en France ; les Lantilles, la Voisse, l'Auoine,
et Mil, y viennent parfaitement bien ; les gros-
ses Febves y vienne bien aussi ; mais il y a
de certaines années qu'il y a di^ grosses mou-
ches qui les mangent, quand elles sont en
fleur. Le Bled Sarazin y vient aussi ; mais il
arriue quelquesfois que la gelée le surprend
auant qu'il soit meur. Le Chanvre et le Lin
y viennent plus beaux et plus hauts qu'en
France.
!}P
88
Mœurs et Prodiictions
N
M
:t
[Il
Les grains que cultiuent les Saunages, et
qu'ils auoient auaut que nous vinssions dans
le Pays, ce sont gros Mil ou Bled-dlnde, Fai-
zoles ou Arricots, Citrouilles d'vne autre espè-
ce que celles de France ; elles sont plus peti-
tes, et ne sont pas si creuses ; ont la chair plus
ferme et moins aqueuse, et d'yn meilleur goust.
Du Tournesol, de la graine duquel ils font de
rhuile qui est fort délicate, et de tres-bon goust.
De rherbe à la Reyne, ou Petun, dont ils font
leur tabac ; car les Saunages sont grands fu-
meurs, et ne se peuuent passer de Petun. Voi-
la en quoy consiste la culture des Saunages.
Toutes sortes de Naueaux et Rabioles, Bet-
tes-raues, Carottes, Panais, Cercifis, et autres
racines, viennent parfaitement, et bien gros-
ses. Toute sorte de Choux y viennent aussi en
l'^ur p^fection, à la reserue des Choux à fleur
que ie n'y ay point ; encore veu.
j i
De la No weile- France.
89
îs, et
dans
I, Fai-
espe-
peti-
r plus
^oust.
)nt de
goust.
s font
Is fu-
. Voi-
lages.
, Bet-
lutres
gros-
8si en
fleur
Pour des herbes, Lozeille, Cardes de toutes
façons, Asperges, Ëspinars, Laittuës de' toute
sorte, Cerfiieil, Percil, Cioorée, Piinprenelle;
Oignons, Porreaux, l'Ail, les Ciues, Ilysopes,
Bouroche, Buglose, et généralement toutes sor-
tes d'herbes qui croissent dans les jardins de
France ; les Melons, les Corombres, les Me-
lons d'eau et Civllebaces y viennent très bien.
Pour des fleurs, on n'en a pas encore beau-
coup apporté de Franche, sinon des Roses, d<'s
Œillets, Tulipes, Lys blancs. Passes-roses, An(^
mones, et Pas-d'aloiiette qui font tout romine
en France.
Pour les herbes saunages, ie n'eutreprt'U-
dray pas de vous en décrire iry les noms, si-
non de quelques-vnes les plus communes qui
se rencontrent icy dans les bois. I^ Cerfeiiil-
le a la feuille plus large que <*eluy de France,
a la tige beaucoup plus grosse , et est d'aussi
90
Mœvrs el Prodvctions
i.'
''. ",i
'H
il
M^
bon goust. L'Ail est plus petit que celuy de
France : il y croist force petits Oignons façon
de Oiues le long du grand Fleaae. Il y a de
la Passe-pierre et du Percil saunage, qui res-
semble tout à fait au percil de Macédoine : il
y a de l'Angélique dans les prairies, et le
Pourpier vient naturellement dans les terres
désertées sans y estre semé : mais il n'est pas
si beau que celuy que nous cultiuons : il se
trouue dans les prairies d'vne herbe qu'on ap-
pelle Voisseron, qui fait d'excellent foin, aussi
bien qu'vne autre qu'on appelle Pois sauna-
ges : il n'y en a plus vers les Trois-Riuieres et
Mont-Rpyal, où il n'y a point de reflux, que
vers Québec. IjC Houblon y vient aussi natu-
rellement, et on en fait de très-bonne bien».
La Oicué y croist à merveille, aussi bien que
l'Eleboro : le Capilaire y croist en abondance :
il se trouue de plusieurs sortes de Fougère,
i
De la NoweHe-Franee,
91
' ', 1 !.
des Ortyes dont on fait du fil et de très-bons
cordages, da Melilot, des Roseaux et loues le
long des riuieres.
Il y a aussi quantité de sortes de fleurs, dont
les plus considérables sont celles-cy, des Mar-
tagons qui sont jaunes ; des roses saunages
qui ne sont point doubles ; vne autre fleur
rouge qu'on nomme Gardinalle ; vne espei^e
de Lys, du Muguet, des Violettes simples et
qui ne sentent rien. le ne sçay point le nom
des autres ; mais ceux qui ont esté aux Iro-
quois m'ont dit, que c'est chose admirable de
voir la quantité et la diuersité des belles fleurs
qui s'y trouuexit.
!
''\\ï
92
Mœurs et PtodedUms,
DES SAUVAGES de iaiOUOEtLE-FRANCE,
ET DE LEUR FAÇON DE VIURË.
OUpitrt IX.
Tovs les Sauuages de la Nouuelle-France,
sont quasi tous les vns comme les autres, par-
ticulièrement pour les habillemens et leurs
costumes : mais comme ils sont differens en
leurs façons de vie et en leurs langages, nous
les distinguerons en deux, à quoy se rappor-
De la Nmme/fe' France.
93
tent toutes les Nations de ces Pays-icy : sç;iuoir
TAlgonquine et la Huronne ; toutes les na-
tions qui habitent le costé du Nort, tant bas
que haut, sont tous Algonqiïins, et ne diffé-
rent pas beaucoup de langage, sinon comme
le Poiieuin diffère du Proueiiçal ou du Gas-
con ; du costé du Sud il y a encore les Abna-
quiois, les Acadiens, les Socoquiois, et toute
la nation du Loup, qui tiennent plus de l'Al-
gonquin que du Huron
En haut les Outaona(% les Nez-percez, et
tontes (*es autres grandes nations, parlent
presque tous Algonquin.
D'autre costé la nation du Pet un, la nation
neutre, tous les Iroquois, les Andastoé, par-
lant la langue Huronne, quoy que les Dialec-
tes soient beaucoup différens, comme l'Espa-
gnol, l'Italien, le François différent du I^tin.
Mais entre la langue Huronne et l' Algonqui-
ne, il y a autant de différence que du Grec au
l4itin.
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t'y-
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94
Mœvrs et Productions
Les Algonquins sont errans, et ne viuent
que de chasse et de pesche, ne sçanent ce que
c'est de cultiuor des terres ; et vniuorselle-
ment toutes les nations qui ont rap^iort à la
langue Algonquine. Au contraires, les Hu-
rons, Iroquois et toutes les nations qui ont
rapport à la langue Huronne, sont sédentaire»,
ont des bourgades, font des champs, cultiuent
la terre, trafiquent chez les autres nations,
sont plus policez, ont comme des Officiers par-
my eux pour toutes sortes de choses.
Faisons la description de la vie dos Algon-
quins, après quoy nous parlerons de celle di*s
Hurons.
L'Algonquin, comme j'ay dit, est errant et
vit de chasse et de pesche ; et pour cet efT^t
ils ont de petits vaisseaux, que Ton app4*lle
icy canots, fait d'écorce de bouleau, et renfor-
cez par dedans de demy-cercles de bois d » ce-
De la Novvf lie- France.
96
es
et
dre : cela est fait si proprement quVii homme
seul porte aisément vn de ces pv3tits vaisseaux,
quand il est question de trauerser les bois,
pour aller d'vne riuiere à vue autre ; et cepen-
dant il s'y ambarque, luy, sa femme et ses en-
fans, ses armes,sa maison et le reste de son
bagage. Il y a des canots de deux, dt» trois, de
* quatre, et de cinq brasses.
Leurs maisons consistent d'ordinaire en trois
escorces de bouleau, qui ontenuiron chacune
vue aulne de large, et trois à quatre aulne de
large, et trois à quatre aulnes de long, qui se
plient comme fait vn tableau quand il sort
de chez vn Peintre : ils estendent ces escor-
ces le soir quand ils sont arrivez, sur trois ou
quatre perches en rond, qui vont en pointe
vers le haut, en sorte que la cabane est
ronde, large par en bas, et retressissant
par le haut. C'est d'ordinaire la femme qui
fait la cabane, qui descharge le canot, al-
1
1
II
96
Mœurs et Prodvdions
ï
lumele fea, et dispose le souper, pendant
que rhomme allant faire vn tour dans
le bois, va voir s41 ne trouuera rien à tuer.
La femme doit aussi disposer le lit, allant cou-
per là proche vn paquet de branches de sa-
pin, qu'elles estendent sur la terre pour se
coucher ; c'est elle qui doit couper et appor-
ter tout le bois nécessaire pour la maison!
Quand les hommes ont tué quelque animal,
c'est aux femmes à aller quérir la viande :
car elles leur seruent comme des porte-faix,
elles écorchent les animaux, elles en esten-
dent et font sécher les peaux, elles les passent
après pour s'en couurir ; car nos Saunages ne
vont pas nuds, comme font ceux qui sont du
costé des Isles Saint Christophle, seulement
ils ne se couurent point les bras, sinon quand
il Mi grand froid.
Les Saunages généralement p^irlant, tant
hommes quo femmes, sont fort hien-faits ; c»t
De la Nowelle'France.
M
on en voit fort peu parmy eux qui ayant des
défauts de natvre, comme d'estre louches, bos-
sus, boiteux, à moins qu'il ne leur soit arriué
par accident.
Us sont bazanez, les enfans qui nais^; nt
sont blancs comme des François, et cett'^ cou-
leur bazanée ac leur vient qu'auec l'aage. T 9s
hommes n'ont point de barbe, ils ont tous les
cheueux noirs et gros, tant hommes que fem-
mes, se les graissent fort souuent. Les Algon-
quins les portent d'ordinaire forts longs.
Ils sont naturellement timides, cruels, dis-
simulez, complaisans, ingrats, surtout les Al-
gonquins, hardis demandeurs : mais le plus
grand mal que i'y vois, c'est qu'ils sont ex-
trêmement vindicatifs, et garderont vingt ans
le dessein de se venger, sans le faire paroistre ;
cependant cherchent tousiours l'occasion d'a-
uoir quelque prétexte qui les mette à couuert.
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JE
98
Mœvrs et Prodvctians
Ce n'est point leur coustume de faire parois-
tre leur rancunes ouuertement, comme de se
battre à la rencontre, ou seul a seul, comme
on fait en Europe. Vn homme seroit odieux
parmy eux qui l'auroit fait ; et comme ils sont
heureux d'auoir occasion de faire pièce à leurs
ennemis, et estre à couuert. C'est vue des cau-
ses qui les rend si passionnez pour s'enyurer,
estimans que quand ils ont frappé ou tue
quelquVn dans leur yuresse, cela ne leur est
point à deshonneur, disans que c'est la bois-
son qui l'a fait et non pas eux ; cependant ils
volent de joye dans leurs cœurs de s'estre
vangez : de là vient que les Saunages ne boi-
uent quasi iamais que pour s'enyurer, et en*
suite faire pièce à quelqu'vn qui leur aura
rendu quel dépiasir, ou pour assouurir quel-
que autre passion brutale, comme de violer
vne fille ou femme^ C'est ce qu'a fort bien
reconnu Moiisituir notre Euesque, et ce qui
De Li NomwUs-France,
09
l'a rendu si zolè à s'opposer à ceux qui don-
noi«^nt de la boisson aux Sauuages, dont ils
sVnyuToient incessaineut, et d'où naissoit nt
dos désordres funestes, qu«? la pieté des gens
de bien ne pouuoit supporter : Car il est très-
certain que les Saunages ne boiuent point par
del catesse, ny par nécessité; mais tousioiurs
pour quelque matiuais dessein : et cela est tel-
lement vray, qu'on n'auoit iamais veu, ny
entendu parler parmy les Saunages, des maux
qui se sont faits depuis qu'on leur adonné de
ces boissons enyurantes: car les Saunages de
leur naturel ne sont point «capables de grandes
malices, comme sont les Européens ; il? ne
sçauent ce que c'est que de jurer. Quoy qu'il
y en ait parmy eux quelques- A^ns qui soient
larrons, ils ne dérobent iamais auec effronterie,
ny mesme auec adresse, du moins les Algon-
quins, quoy qu'ils ne manquent pas d'esprit.
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m.
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100
Mœvrs et Productions
Ordinairement to as les Saunages ont l'esprit
bon, et il est bien rare de voir parmy eux de
ces esprits buses et grossiers, comme nous en
voyons en France parmy nos paysans. Ils crai-
gnent plus vne simple réprimande de leurs
parens ou de leurs Capitaines, que l'on ne fait
en Europe les roués et les gibets ; car vous ne
voyez point de désordre parmy eux, quoi que
les pères et les mères n'ayent point de chasti-
ments i)our leurs enfans,non plus que leurs in-
férieurs ou leurs chefs, que des paroles de répri-
mande; et i'en ay veu qui se sont empoisonnez;
d'autres se sont pendus, ou pour auoir receu,
ou de peur de receuoir vna correction de leurs
parens.ou de leurs Capitaines,et cela pour quel-
ques petites fautes qu'ils auoient fait. C'est d'où
vient que quand il s'est fait vn meurtre, on ne
sW prend point à celuy qui l'a fait, mais aux
uà^Jitaines, qui sont obligez de satisfaire aux
De la Novvef le- France.
101
pareils du défunt ; et comme la satisfaction est
considérable, et que cela donne de la peine
au Capitaine, cela donne y ne telle confusion à
celuy qui a fait le mal, que quoy qu'on ne luy
dise rien, il se bannit ordinairement le reste
de ses iours, et cela retient tous les autres en
bride.
Ils respectent beaucoup leurs Capitaines et
leur obeyssent promptement, surtout quand ils
ne sont pas vicieux : car quand ils le sont, ils les
méprisent fort, disans, qu'un homme qui ne
peut pas se commender soy-mesme est incapa-
ble de commander autruy.
Ils ne sont point d'ordinaire auaricieux ;
cela yient de ce qu'ils ne se soucient pas de
rien amasser (particulièrement les Alg'onquiuh)
qui yiuent au jour la iournée : ils n'ont point de
soin. • '
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102
Mœvrs et Prodvctions
La libéralité i^army eux est estimée ; c'est
d'où vient que les Capitaines sont ordinaire-
ment plus pauures que les autres : car quand
ils commencent à paroistre, ils donnent tout,
pour attirer l'afFection de leurs gens, qui par
après leur font plusieurs presens, et les nour-
rissent quand ils commencent à vieillir.
Ils ne sont point plus braues les vns que
les autres, les meilleurs chasseurs sont les
mieux accommodez.
Ils ne sçauent ce que c'est de se faire ser-
uir, chacun se sert soy-mesme.
Le mestier des hommes Algonquins, c'est
d'aller à la chasse, à la pesche et à la guerre'
en traitte aux Nations esloignées, et d'escorter
les femmes quand elles vont en des lieux dan-
gereux, faire les canots, et voila tout ; pour le
reste ce sont les femmes qui le doiuent faire.
De la NovveUe-Fmnre.
103
Quand ils vont en voyage, et que leurs fem-
mes vont auec eux. la femme n Age dans le ca-
not aussi bien que l'homme. En voila assez
dit des Algonquins.
Venons maintenant à vne vie et des coustu-
mes bien différentes qu'ont les nations de la lan-
gue Huronne, tels que sont tous les cantons d(^s
Iroquois. Ils sont sédentaires, comme i'av dé-
jà dit, et bastissent des bourgades. Ce sont les
hommes qui font les palissades et les cabanes,
qu'ils font en forme de berceau, fort haut et
large ; couuert depuis le haut jnsques au bas
de grosse écorce de Fresne ou d'Orme : les meil-
leures de ces cabanes sont couuertes d'écorces
de Cèdre, mais elle sont plus rares.
Ils abbatent du bois, et déserte pour faire
des champs. Quand le bois en est bruslé, c'est
aux femmes à les ensemencer ; car ce sont les
104
Mœurs et Prodvctions
fouîmes qui fout toutes les semences, cerclent
le bled et en font la récolte : ce sont elles qui le
moulent, autrement le pilent : car les Saunages
n'ont iamais eu Tvsage des Moulins ; l'ayant
réduit en farine, elles en font du pain, ou vne
espèce de bouillie auec de l'eau et quelque as-
saisonnement, lorsqu'ils en ont, ce qu'ils appel-
lent Sagamité : car les femmes sont les Cuisi-
nieres et les Boulangères. .
Les hommes trauai lient encore à faire des
canots, des armures et des rets ; mais ce sont
les femmes qui fdent le fil : les hommes tien-
nent les conseil, délibèrent des affaires, c'est
à dire ceux qui sont de naissance pour cela ;
car les Capitaines viennent de père en fils,
et entrent au conseil lorsqu.ils sont en vn
aage meur et qu'ils ont montré auoir l'esprit
bien fait.
De la Novvelle-Frnnce.
105
Ce sont les hommes qui vont à la chasse, à
la pesche, et à la guerre : les Iroqnois ne voiit
point en traittechez les autres nations Sauna-
ges, car ils sont haïs de tous : les Hurons y al-
loient fort, et trafiquoient quasi par tout le
Pays, ^
Les hommes s'occupent encore à faire des
plats et des cuillères de bois. C'est aussi eux
qui font les champs de tabac, et les calumets
ou pipes qui leur seruent à fumer: les femmes
font les pots de terre, comme aussi quantité de
petits ouurages propres à leurs vsages, que ie
ne d'ecriray point pour n'estre connu en Fran-
ee. Elles seruent de porte-faix, et il faut que ce
soit elles qui portent tout ce qu'il y a à porter,
l'ay appris depuis peu que les Iroquois et
les Iroquoise. se font servir par leurs esclaues,
qu'ils ont en grand nombre tant d'hommes
que de femmes.
106
Mœvrs et Prodvctions
I
tONTINUATION SUR LE MESME SUJET-
-CONTKKNANT-
L E MA RI ÂGE DES SA UUA G ES.
i
Disons vu petit mot de leurs Mariages.
Lorsqu'vn garçon a dessein d'épouser vne
tille, il l'a va voir, il la caresse, mais iamais
auec indécence, ce seroit vn crime parmy
eux : il luy parle en particulier, et quand il
Ta enfin gagnée, il luy fait des presens de ce
qu'ils ont de plus rare ; et quand tout est
De la Novve/ le- France.
107
d'accord, il va demeurer dans la cabane de la
fille, car la femme ne va point demeurer chez
le mary, mais le mary chez la femme.
Parmy les Hurons, vn mariage n'est pas
tenu pour un véritable mariage, maisplustost
pour débauche, si les père, et mère du ieuuci
homme n'ont esté demander aux pareus de la
fille celle qu'ils désirent auoir pour femmi^s A
leurs enfans ; ce qui se fait donnant quelque
riche présent aux parens de la fille.
Ils demeurent quelques fois longtems ensem-
ble deuant que de consommer le mariage : et
l'on dit vne chose admirable des Algonquins,
qui est, que souuent ils demeurent un an et
d'auantage, aiiant que le consommer : il ne
se passe rien parmy eux qui ne soit dans
l'honnesteté, et rien de dissolu dans ces ren-
contres, quoy qu'ils soient naturellement
grands railleurs, et qu'ils ayent plusieurs
1
fa
10»
Mœurs et Prodvctions
mots à double eutente, mais il ne s'en ser-
uent pas dans ces rencontres.
Quoy que la polygamie ne soit pas dé-
fendue parmy eux, rarement voyez-vous vn
homme auoîr deux femmes, surtout parmy
les Hurons et les Iroquois : car cela se ren-
contre quelquefois chez les Algonquins,
Le diuorce n'est point une chose odieuse
chez les Saunages, vh homme pouaut répudier
facilement sa femmi), et la femme son mary
Û'entens parler de ceux qui ne sont point
Chrestien) cela se fait sans bruit : car quand
la femme répudie son mary, elle n'a qu'à luy
dire qu'il sorte de sa maison, et il s'en va
sans rien dire autre chose, et y laissent tout ce
qu'il y a apporté, à la reserue de ses habits.
Tout de mesme, si le mary veut répudier sa
femme, il se retire après lui auoir déclaré
De la Norrefle-France.
109
qu'il la quitte : s'ils ont des eufiiiis, ils demeu-
rent tous à la femme. Ces diuorces arriuent
rarement, parceque chacun est sur ses g-ardes,
s'empeschant de donner du mécontentement
à sa partie, crainte de l'obliger à la séparation.
Ils ne sont pas beaucoup sujets à la ialousie,
surtout les Iroquois
Ils ont des jeux parmy eux de diuerses
sortes, les plus communs sont les jeux de
paille, et le jeu du plat, et vn troisième qu'ils
nomment paquessen. .
Ce jeu de paille se fait en effet auec de pe-
tites pailles qui sont faites exprés, et qui se
partagent en trois, comme au hazard, fort
inégalement. Nos François ne Tout pu encore
bien apprendre, il est plein d'esprit ; et ces
pailles sont parmy eux, ce que les cartes sont
parmy nous.
110
Mcevrs et Prodvdians
Le jeu du plat sont neuf petits os plats et
ronds comme des noyaux do posche, que l'on
auroit lissez et applatis, qui sont noirs dVn
costé, et blanc de l'autre, que l'on remue et
que l'on fait sauter dans vn grand plat de
bois, qu'enfin on arreste en frappant la terre,
le tenant auec les deux mains : la perte ou le
gain dépend d'vn certain nombre qui se trou-
ue tout d'vne couleur.
Le jeu paqucssen est presque la mesme
chose, sinon qu'on iette ces petits os en l'air
auec la main, retombans sur vue robe esten-
due en terre, qui sert comme de tapis ; le nom-
bre tout d'vne couleur fait la perte ou le gain.
Ils se festinent aussi les vns les autres, la
façon est telle. Celuy qui veut faire festin
fait mettre vne grande chaudière sur le
feu, ou deux, ou trois, selon le monde qu'il
veut traiter : dans lesquelles chaudières on
met de la viande ou du poisson, et ensuite de
De la No vvelle- France.
111
la farine de bled-d'Inde : quand cela est cuit,
celuy qui fait le festin enuoye conuier ceux
qu'il désire qui y soient , ils y viennent auec
vn plat et vne cuillère. Ils entrent dans la ca-
bane sans dire mot,et s'arrangent sur leurs der-
rières comme ^ ^s guenons : cependant le Mais-
tre du festin chante toujours iusques à ce que
tous les canniez soient entrez, car il ne leur
fait aucune cérémonie : alors il prend la parole
et dit le fais festin : que s'il désire gratifier et
faire honneur ou à son fils ou à quelqu'autre,
il le déclarera, disant, c'est vn tel qui fait fes-
tin : alors tous les assistans répondent vn cer-
tain hô, qui est comme vn espèce de remer-
ciement : il continue et dit. il y a tant de
chaudières, selon le nombre qu'il y aura : on
luy repond encore hô : c'est d'vne telle vian-
de, et tuée par vn tel : à chaque article on fait
tousiours la mesme réponse hô ; et ainsi con-
secutiuement il déclare tout ce qu'il y a dans
iir
112
Mœvrs et Prodvctions
'Va:
r?*
le festin, et on répond tousiours la mesme
chose, hô, hô.
Ensuite il dit, le sauhaitte qu'vn tel nom-
bre de vous autres chante,* vn tel, vn tel, et
vn tel : et souuent il commence à chanter, et
les vns après les autres chantent iusques au
nombre qu'il a souhaité. '
La personne qui chante se leue, faisant
diverses postures gestes en chantant. Cette
façon de chanter n'est point harmonieuse
auec douceur, mais elle est comme de gens
qui s'excitent à la colère, et mesme ils font
cpielquesfois des signes de frapper: ils raconte-
ront dans ces chansons martiales, leurs prou-
esses, et les hommes qu'ils ont tué en guerre,
ou les desseins qu'ils ont d'aller en guerre
pour venger la mort de quelqu'vn de leurs
parens, ou de quelque homme considérable.
Ce qui les y engagent par honneur ; et sou-
uent ce\;ix qui suiuent à chanter, s'engagent
De la NovveUe.France
113
en chantant à les suiure à la c'uerre et -i
mourir auec eux.
Apres que tous ont chanté on dresse la
chaudière, c'est à dire qu'on prend les plats
d'vn chacun, et on met de la sagamité dedans ;
s'il y a de viande, on en distribue à chacun
de ceux qu'on désire honorer et gratifier vn
morceau : les morceaux les plus délicats sont
pour les Capitaines ; celuy qui fait festin ne
mange point, mais il chante pendant que les
autres mangent. Si ce sont des Algonquins,
ils peunent emporter leur plat de sagamité
chez eux ; mais chez les Iroquois et Hurous,
cela n'est pas permis, il faut tout manger ce
qui vous est seruy, c'est d'où vient qu'ils por-
tent des plats fort petits : car on n'ose pas sor-
tir de la cabane auant que d'auoir vidé son
plat, à moia que de frire quelque petit pré-
sent au Maistre du festin, vn couteau, vne
alesne, vn pain de petun. Les femmes v eorit
114
Mœvrs et Prodvctious
>■ 1 8
moins appelées que les hommes, surtout chez
les Iroquois et les Hurons.
Il se fait quelquesfois parmy eux des fes-
tins tres-consid érables : il s'en fit vn du temps
que i'estois aux Hurons, de la chair de cin-
quantes cerfs, dans cinquante chaudières.
Ils ont aussi des danses parmy eux qui
ne ressemblent en rien aux nostres, car elle
ne consiste qu'à vne certaine façon de se
secouer le corps, frapans des pieds contre ter-
re, et faisans beaucoup d'autres postures auec
reigle, et à la cadence d'vn petit tambour ou
autre instrument, qui fait vn petit bruit sourd :
ils vont si bien à la cadence, qu'on ne voit
point de confusion ny de desordre, quoy qu'il
soient quelquesfois plus de deux cens à dan-
ser ensemble ; ils frappent tous du pied en-
mesme temps, et si à propos, que l'on diroit
qu'il n'y a qu'vne personne qui danse.
Ces danses se font ordinairement pour quel-
De la Nowelle- France.
115
ques réjouissances publiques, comme seroit
quelques victoires remportées sur rennemy
ou vn traité de paix nouuellemènt conclu ; il
s'en fait bien aussi quelquefois chez des par-
ticuliers entre amis ; mais cela n'est pas bien
•dinaire.
Les peuples sédentaires ont des Officiers
pour toute sorte de choses, qu'il appellent Ca-
pitaines ou gens considérables ; les principaux
sont pour la police, les autres pour la guerre;
il y en a d'autres qui ne sont que pour auer-
tir, et qui seruent comme de tambours et de
trompettes : les vns vont crier pas les rues du
bourg le soir ou le matin, les noms de ceux
qui sont morts, ou le jour ou la nuit ; d'autres
ont soin de faire les préparatifs pour brusler
les prisonniers : d'autres ont ordre d'auertir de
se trouuer au Conseil quand il se doit tenir :
quelques autres ont charge d'avertir par le
bourg quand ont doit faire quelques réjouis-
116
Mœvrs et Prodvctùms.
. !*■
sances ou danses publiques, ainsi de tout le
reste, et tout cela sans confusion ny desor-
dre. „ ,. . y ■■ .,.". ;-,; :.. ^ ; ^. ^
Ils n'ont point de Religion, raais ils sont
fort supertitieux, et ajoustent foy à leurs son-
ges : c'est ce qui donne plus de peine aux Pè-
res lesuites qui les instraisent.
Ils croyent l'immortalité de l'Ame, et disen:^
qu'elle va après la mort dans vn beau pays ;
que deuant que d'y arriuer, il faut passer vne
riuiere où il y a vn certain qui perce la teste à
tous les passans, et leur arrache la ceruelle, ce
qui fait qu'ils ne se souuiennent plus de rien.
Ils ont quantité de fables qu'ils racontent,
et en toutes on y remarque tousiours quelque
chose qui a du rapport à quelques-vnes des
histoires de l'ancien Testament.
Ils ont connaissance des Esprits, ont vne
grande auersion des Sorciers ; et quand quel-
qu'vn en est accusé, et qu'on croit qu'il le soit
De la Nowelle-France.
117
il est aussitost tué ou bruslé comme un eiinemy
Ils sont fort aumosniers et logent facile-
ment les Estrangers et Voyageurs, sans espé-
rance d'aucun salaire, et il y en a plusieurs
qui quittent leurs lits, ou pour mieux dire, la
place où ils couchent, leur donnent à mander
ce qu'ils ont de meilleur, et cela assez souuent
à vn homme qu'il n'ont jamais veu, et qu'ils
ne verront peut-estre iamais et qui s'en ira
sans leurs dire grand-mercy, cela est particu-
lièrement dans les Nations sédentaires.
Quand il y a quelque famille qui est tom-
bée en nécessité de viures, il y a des Capitai-
nes qui vont par le Bourg ramasser du bled
pour la subsistance de ces pauvres gens, cha-
cun donne, qui plus, qui moins, selon son
pouuoir. ^
Ils ne sont pas vilains les vnsenuers les au-
tres ; quand ils sont tué au pesohé, ils en font
118
Mœvrs et Productions
. f
dos largesses, soit en faisant festin, ou en en-
uoyant chez les particuliers.
Ils sont pitoyable, et se portent compassion
les vns aux autres.
t'
Ils aiment fort leurs parens, et les pleurent
long-tems après qu'ils sont morts : quand ils
les enterrent ils mettent auec eux ce qu'ils
aymoient le plus pendant leur vie, et ce qu'il
estiment de plus précieux parmy leurs meu-
bles. -
Ils ont presque tous le sens commun assez
bon, et raisonnent fort bien ; cela se void dans
leurs conseils, et dans leurs harangues qu'il
font souuent en toutes sortes d'occasiens.
Tous les Saunages qui sont proches des Eu-
rope' -o Tvionnent yurongnes, et cela fait
bie.: ■ " ■ fï nostres : car de quantité qui es-
taient fort bon Chrestiens, plusieurs se sont
relaschez. Les Pères lesuites ont fait ce qu'il
De la Nowelle- France.
119
ont pu pour empescher ce mal : car les Sau-
nages ne boiuent que pour s'euyurer ; et
quand ils ont commencer à boires, ils donne-
roient tout ce que Ton voudroit pour vue bou-
teille d'eau-de-vie, afin d'acheuer de s'enyurer.
La guerre qu'ils se font les vns aux autres,
ne se fait point pour conquérir des terres, ny
pour devenir plus grands Seigneurs, ny mesme
pour l'interest, mais par pure vengeance : aussi
ne parlent-ils point autrement ; car ils disent,
ie m'en vay en guerre pour vanger la mort
d'vn tel, et c'est d'où vient qu'ils traitent
si cruellement leurs prisonniers, et ne visent
iamais qu'à détruire et faire périr vue Nation
toute entière.
120
Mœvrs et Prodvctions
■-r-
#
LA MANIERE
QUE LES SAUUAGES FONT LA GUERRE.
:o:
.. *
CHAPITRE XI
■:o:
Ceux qui vont en guerre ne sont souldoyoz
de personne ; chacun y va à ses dépens, et se
doit fournir d'armes, de viures de munitions,
et autres choses nécessaires pour la guerre.
La façon qu'ils font les leuées, ki voicy ; Vn
Capitaine fait festin, (on appelle cela prendre
la chaudière ), il inuite à son festin tous les
ieunes gens de son bourg, il leur déclare qu'il
a dessein d'aller en guerre pour vanger la
mort d'vn tel ou d'vne telle : il exhorte ceux
De la Novvel le- France.
121
qui sont de ses amis de Taccompagner : après
qu'il a dit le mieux qu*il a pu là dessus, et
que le festin est manger, chacun s'en va ; après
quoy ceux qui ont enuie de l'accompagner
viennent les vns après les autres luy faire of-
fre de leurs seruices, en luy disant, vn tel mon
oncle (car c'est comme ils traitent d'ordinaire
ceux qu'ils estiment plus qu'eux) ou bien mon
frère (s'il sont égaux) ie viens tè dire que ie
veux risquer avec toy en ton dessein de la
guerre. ' ; * , i^^ > r
En même temps chacun fait disposer ces
viures, et on se tient prest pour le iour assigné
du départ. -' ^ : r^ ■■ .. .
Quand ils ont de grandes entreprises à faire,
cela se délibère longtemps auparauant dans
le Conseil des Anciens et des principaux Ca-
pitaines ; et l'affaire estant vne fois conclue',
et qu'on a choisi celuy à qui on veut donner
122
Mœvrs et Prodvctians
V-;.'
la conduite de Texpédition, vn Officier va
crier par le bourg, que l'on va à la guerre, et
que Ton exhorte toute la jeuness à aller dans
Tarmée. Les Capitaines de tous les Villages
qui ont assisté au Conseil en font faire au-
tant chez eux : à mesure que les ieunes gens
se délibèrent, ils en auertissent le Capitaine
qui est chef de l'entreprise.
Apres cela on enuoye des Députez auec des
presens chez tous les Alliez les plus proches,
pour les prier de les assister dans leurs des-
seins. Ils tiennent Conseil là dessus, ils voyent
ce qu'ils peuuent donner de monde, ou plu-
tost ils exhortent leur ieunesse à aller ioindre
le gros. ,::,_■;..-.- ,. v.;-' . r, V.- •'■;
Quand ils sont tous assemblez, et qu'ils
marchent, ils ont toujours des decouureur qui
vont deuant ; chaque Village qui a fourny du
monde, a des Capitaines qui les commandent ;
De la Nowelle- France.
123
et tous ces Capitaines là s'assemblent souuent
pour tenir conseil sur toutes sortes de choses :
car ils ne négligent rien.
Ils exhortent souuent leurs soldats à tenir
bon à l'occasion, et ne point s'enfuyr, leur re-
présentant que les gens de cœur et de courage
ne s'enfuyent iamais.
Il n'y a point de chastiment chez eux pour
ceux qui sont se enfuys, sinon qu'on les qua-
lifie de poltron, mais encore tout bas.
Quand ils rencontrent l'Ennemy et qu'on
est aux prises, les Capitaines seruent de tam-
bours et de trompettes, et crient sans cesse,
Courage jeunesses, courage, ils sont à nous,
que personne ne fuye : cela les anime beau-
coup ; car ils respectent fort leurs Capitaines.
Ils sont adroits à surprendre et à dresser vne
ambuscade : ils ne se prennent pas mal à fai-
re vne retraite honorable, quand il se voyent
124
Mœvrs et Productions
pressez : ils nous l'ont fait voir pas expérience.
Ils sont vigoreux d'abord, mais ils ne font
pas de longue résistance. Ce sont pas ausni
gens k se battre en raze campagne. Ils ne
commence iamais de combats, qu'ils ne fas-
sent auparauant vn cry tous ensemble pour
estonner leurs Ennemis d'abord. . . i i;
Ils sont adroite à manier les armes à feu,
tirent fort bien vn coup de fusil. Ils ont dos
simples parmy eux, qui sont excellens pour
guarir les blessures ; surtout d'armes à feu.
. Ils sont de grande fatigue et bien dispos :
ils vont fort bien du pied, et. ont vne addresse
toute particulière à se reconnoistre dans les
bois, et ne s'y perdent quasi iamais. ^ , ^ . .,
.'fi
M
De la No vvelle- France.
125
I ;
,. . DE LA FAÇON
QU'IL TRAITENT LES PRISONNIERS
. ' DE GUERRE.
i • .V.
CHÂPITRI XII
I •' i ■
— :o: —
Quand ils ont pris des prisonniers, ils leur
coupent quelques doigts d'abord : ils les lient
par les bras et les jambes auec des cordes :
sinon que lorsqu'il faut marcher, Ils leur lais-
sent les jambes libres.
Le soir quand ils cabanent, ils font coucher
le prisonnier sur le dos contre terre, et ils
plantent de petits pieux en terre, au droit des
pieds, des mains du col, et de la teste : ensui-
te ils lient le prisonnier à ces pieux, de sorte
qu'il ne peut remuer ; ce qui est vne peine
plus grande que l'on ne pourroit croire, prin-
cipalement l'Esté, à cause des Maringoins qui
les mangent, car ils sont nuds.
126
Mœvrs et Pfodvcêions
Arriuant à Tentrée des Bourgades, tout le
peuple vient au-deuant ; il est libre à vn cha-
cun de leur faire tout le mal qu'ils voudront,
à la reserue de les tuer . alors vous y voyez
les vus armez de cousteaux, soit pour couper
des doigts, soit pour faire des incisions le long
des bras, du dos, et autre parties charnues,
le prisonniers estant tout nud ; d'autres ont
des bastons, de quoy ils les bastonnent. Il y
en a qui ont des verges, des ronce et des bouts
de cordes. Auec tous ses instrumens, on le ca-
resse A son entrée : car c'est leur façons de par-
1er.
^ Il faut pendant tout ce tems-là que le pri-
sonnier chante, s'il veut paroistre homme de >
i œur et de courage. Et en effet, les Saunages
ne manque iamais de chanter pendant tout le
temps qu'on les tourmente ; (mais ce chant
t^st vn chant lugubre).
\
De la Nowelle-France
121
Apres qu'ils sont entrez dans le bourg, on
les mené de cabane en cabane ; chez les prin-
cipaux, et partout là il faut qu'il chantent.
Apres vu iour ou deux qui se sont passez
dans ces tristes préludes, les Capitaines tien-
nent conseil pour le condamner à la mort, ou
luy donner la vie : s'il est condamné à la mort
celuy-là à qui il a esté donné (car c'est leur
coustume de les donner pour quelqu'vn qui
est mort en guerre). Celuy-là dis-je fait festin ;
et quand tous les conuiez sont assemblez, il
leur dit ; Voila mon nls ou mon neveu,(8elon
le degré de parenté que luy estoit celuy pour
qui le prisonnier a esté donné), qui vous fait
son festin d'Adieu. C'est leur coustume quand
ils entreprennent quelque grand voyage, de
faire festin auparauant que de partir, qu'ils
appellent festin d'Adieu : en suite.le prisonnier
chantent, et après luy vne partie des conuiez
chantent aussi'
\
128
Mœvrs et Procf votions
fi
Apres que Ion est retiré, on dispose vne ca-
bane pour brûler le prisonnier : on y fait
quantité de feux ; on aduertit par le bourg de
rheure que Ton doit commencer à le brusler,
afin qu'on s'y trouue.
Quand l'heure est venue, on y mené le pan-
ure patient ; il a les bras liez au corbs au des-
sus du coude, et vne corde aux jambes enui-
ron de deux pieds de long, afin qu'il ne puis-
se faire de plus grandes éjambées. Tous ces
gens sont arrangez de deux costez de la caba-
ne : vous sçaurez en passant, qu'ils ne sçauent
ce que c'est que de cheminée, et qu'ils font le
leu au milieu de la place. . . i? ' ,v : >
Ils laissent dont un petit chemin entre les
feux qui sont allumez au milieu de la cabane
tout au long, d'espace en espace, et entre les
hommes qui sont rangez des deux costez, assis
sur le cul comme des Singes ; et c'est par où
doit courir le prisonnier.
De la Novvelk' France.
129
le
es
le
es
sis
où
Chacun a vn tison embrasé, ou vn mor-
ceau de fer tout rouge de feu : quand tout est
disposé, quelques Capitaines qui sont au bout
de la cabane auec le prisonnier, crient tout
haut ; Voila le prisonnier qui va partir,que cha-
cun se dispose a bien faire ; mais qu'on ne le
brusle jusques à la ceinture.
Ensuite on luy fait commandement de par-
tir : ce qu'il fait courant, ou pour mieux dire
trotinant le plus vite qu'il peut, entre le feu
et ses bourreaux, qui tous le bruslent en pas-
sant ; les vus aux jambes, ]es autres aux cuis-
ses ; mais cela auec vue barbarie qui n'appar-
tient qu'à eux.
Je vous auouë que c'est vne vraie représen-
tation d'Enfer, car vous voyez vne grande
cabane pleine par le milieu du feu, et toute
remplie de fumée, où l'on ne voit goûte ; car
c'est d'ordinaire la nuit que cela se fait : vous
130
Mœvrs et Productions
m
m
m
m
y voyez paroistre vue multitude de monde ;
les vus sont assis, les autres dabaut ; les vus
seruent de bourreaux, les autres de specta-
teurs, qui S3 mooqaant et S3 rient du pauurv3
patient. Parmy tout cela, vous voyez vn pan-
ure misérable tout nud, et tout grillé, aban-
donné à la rage de ces barba res.
Apres qu'ils luy ont fait faire le nombre des
tours de la cabane qui a esté ordonné par
les Anciens, qui est d'ordinaire de dix ou d3
douze ; la nuit estant presque passée, tout le
monde se retire, à la reserue di qualquas-vns,
qui damaurent pour garder le prisonnier jus-
ques au matin, que se doit faire le reste de
l'exécution.
Pendant ce temps là, il est attaché à vn po-
teau, et pas bien loin d'un grand feu, dans
lequel rougissent des haches, dont on se sert
pour le bruslsr, l'interrogeant de temps en
De la No vvdle- France.
131
temps de Testât de son Pays, et des choses
qu'ils désirent sçauoir : et s'ils voyent qu'ils
dissimulent quelque chose, ils luy redoublent
ses tourmens : c'est à quoy se passe le reste
de la nuit.
Le iour estant venu, enuiron le Soleil leuant,
on aduertit les femmes d'aller faire des feux
dans la placé où est dressé l'Echafaut. l'oubli-
ois à dire que dès qu'un prisonnier est arriué,
on luy en dresse vn ; soit qu'on le veuille fai-
re mourir, ou non, sur lequel échafaut on le
fait monter plusieur fois le iours, pour estro
exposé à la veuë du peuple.
Quand tous ces feaxsont faits, l'on conduit
le patient sur cet échafaut, au milieu duquel
on a planté vne grande p arche, ou plustost
vn pieu fort haut ; on luy fait embrasser ce
pieu, luy liant les deux mains ensemble. La
corda pareillement qui luy lie les deux jam-
132
Mœvrs et Prodvctious
bes, fait vn cercle autour de ce mesme pieu :
de sorte qu'il peut tourner tout à lentour de
ce pieu.
Il est là exposé tout nud ; il y a quatre
échelles aux quatre costez de l'échafaut ; et
pour lors, il est libre a v n chacun de montez
sur l'échafaut pour leiouii^eiitr. On ne man-
que pas de bourreaux, car il y en a assez :
Nous auons remarqué que les plus cruels,
sont certains poltrons qui ne vont iamais en
guerre. ^
IIf le montent donc sur l'échafaut, et ils
le bruslent auec de tisons ; mais auec autant
de froideur, qui si c'étoit vn morceau de
bois. .
Apres deux ou trois heures qu'ils l'on tour-
menté de la sorte, et qu'il ne ressemble qu'à
vn charbon, ils luy écorchent la teste, pour
luy leuer la cheuelure : c'est ce qu'ils font à
De la Novvel le. France
133
tous cenx qu'ils tuent en guerre, ou qu'ils
bruslent chez eux. Ensuite s'il reste de la vie
au patient, ils luy coupent le col auec vn
Cousteau, luy fondent la poitrine, et luy en
tirent le cœur ; et si ça esté vn homme coura-
geux, qui n'ait fait aucun cry pendant qu'on
l'a tourmenté, il y en a qui boiuent de son
fsang pour s'incorporer son courage.
Ensuite on le coupe par quartiers, et on le
jette à la voirie ; ou quelquesfois ils le font
cuire, et le mangent par rage. : v
Quand les Capitaines ont résolu de donner
la vie au prisonnier, et que celuy à qui il
a esté donné y consent, (car il y peut plus que
pas vn autre) , on va aussitost le délier, on le pu-
blie par le Bourg, et pour lors on le traite bien
personne n'oseroit plus ^uy faire de mal, quoy
qu'on ne laisse pas de le regarder comme vn
esclaue, et il est obligé de seruir celui à qui
134
Mœvrs et Productions}
i
il a esté donné en cette qualité-là. Il est en
seureté pour sa vie, pourvu qu'il ne soit pas
soupçonné de se vouloir souuer, et qu'il ne
désobéisse î)oint, à ce qu'on luy commende ;
que s'il est soupçonné de se vouloir sauuer,
aussitost on luy fent la teste auec vne hache :
on luy en fait tout autant quand il fait diffi-
culté d'obeyr.
Si Dieu nous fait la grâce d'estre vn iour
les maistres, il sera aisé de leur oster ces Bar-
bares coustumes, et de les rendre plus policez :
car comme j'ay desia dit, ils ont le sens com-
mun fort bon, et ils se laissent assez facilement
gagner à la raison ; et quand ils sont vne fois
conuaincus d'une chose, ils ont peine d'un dé-
mordre;témoins ces pauures misérables Hurons
et Huronnes qui ont esté faits captifs par les
Iroquois, et qui auoient esté instruits et bap-
tisez par les Pères lesuites qui gardent auec
De la Nowelle- France.
135
Le-
tant de fermeté et de constance leur religion au
milieu de leurs Ennemis, et qui font honte à
beaucoup de libertins François qui ne se sont
pas comportez si religieusement parmy les
Ennemis, comme ces panures gens qui volent
de joye quand ils peuueut rencontrer vn Père
lesuite pour se confesser et receuoir leurs sa-
cre mens.
— ^o: — \ ;
Réponses laux Questions qui ont este
faite a L'autheur lorsqu'il
estoit en France
■ j ■^-.^i «O. ■ 5 : '. ■;._; ; .
CHAPITRE Xm
Pendant mon séjour en France, il m'a esté
fait diuerses questions par plusieurs honnestes
gens, concernant les pays de la Nouuelle-Fran-
ce. l'ay creu que i'obligerois le Lecteur curieux
de les mettre icy, et d'en faire vn Chapitro ex-
136
Mœvrs et Prodvdians
près, auec les réponses, qui donneront beau-
coup d'intelligence et de connoissance à ceux
qui ont de l'affection pour ce pays icy, ou qui
souhaiteroient d'y venir.
le commenceray donc par vne assez com-
mune, qui est, si la vigne y vient bien. l'ay
déjà dit que les vignes saunages y sont en
abondance, et que mesme on en a éprouué de
celle de France, qui y |vient assez bien.
Mais pourquoy ne faites-vous donc pas des
vignes ? le répons à cela, qu'il faut manger
auant que de boire ; et par ainsi qu'il faut
songer à faire du bled auant que de planter
de la vigne : on se passe mieux de vin que
de pain ; c'est tout ce qu'on a pu fp?re que de
défricher des terres pour faire de grains et
non autre chose.
Le vin y est-il cher ? le répons, qu'il y vaut
dix sols la pinte ; l'eau de vie y vaut trente
De la Novveï le- France.
137
»
it
sols la pinte et le vin d'Espagne y vaut autant:
la mesure est semblable à celle de Paris.
Le bled y eàt-il cher ? Le from(;nt y vaut
cent sols le minots, pesant soixante liures : et
quelquesfois il vaut six francs.
Les pois y valent vn écu le minot, et quel-
quefois iusques à quatre francs.
Les iournées des hommes y sont-elles chè-
res ? Vingt sols estant nourris pendant l'hy-
uer, et trente sols estant nourris pendant l'Esté.
Y a-t-il des chenaux dans le Pays ? le ré-
pons que non.
N'y a-t-il pas des prairies pour faire du foin ?
l'auoine n'y vient-elle pas bien ? Parfaitement
bien, et il y a de très-belles prairies : mais il
est assez dangereux d'auoir le foin, tant que
les Iroquois nous feront la guerre, et surtout
aux habitation des Trois-Riuieres et du Mont
Royal : car les faucheur et les feneurs son
!,î
V9 l
r
1'
I ;
in
138
3Iœvrs et Prodvdion^
toujours en danger d'estre tuez par ces Iroquois
Voila la raison pourquoy on lait moins de
foin, quoy que nous ayons de belles et gran-
des prairies, ou il y a de très-bonne herbe pro-
pre à ce faire. Mais il y^,a encore vue autre*
raison qui erapesche d'auoir des chenaux, c'est
qu'il cousteroit beaucoup pour les .faire venir
de France : il y a peu de personnes qui ayent
de quoy faire ces dépenses : et d'ailleurs ou
craint qu'estant venus les Iroquois ne les tuent
lomme ils font de nos autres bestiaux, ce qui
seroit bien fascheux à celui qui auroit fait la
dépense de les faire venir. Et puis on espère
toujours que nostre bon Roy assistera ce pays
icy, et qu'il fera destruire cette canaille d'Iro-
quois.
Y a-t-il bien des habitants ? A cela ie ne
peux rien répondre d'asseuré, sinon que l'on
m'a dit qu'il y en auoit enuirons huit cens à
De la Nowelle-Frunct
131)
père
pays
riro-
iie
ll'oii
is à
Ouebec, pour les autres habitations il n'y en
a pas tant.
Les habitants ont-ils bien des enfans ? Ouy,
qui viennent bien faits, grands et robustes,
aussi bien les filles que les garçons : ils ont
eommunéuK^nt l'esprit assez bon, mais vn peu
libertins, c'est-à-dire qu'on a de la peine à les
vptiuer pour les estudes.
Pourquoy ne lait-on pas quantité de chan-
vres puisqu'il vient si bien ? La mesme raison
que i'ay apporté pour la vigne, ie l'apporte
pour le chanvre, sçauoir que nous n'auons
songé qu'au bled iusques à maintenant com-
me le plus nécessaire, î'ajouste seulement que
nous somme trop peu de monde, car après la
défaite de Tlroquois, il ne manquera que des
habitans icy, pour y auoir tout ce que l'on
peut souhaiter.
140
Mœvrs et Prodvdiom
m
1^
Quelle boisson boit-on à l'ordinaire ? Du
vin dans les meilleures maisons, de la bierre
dans d'autres : vn autre breuuage que l'on
appelle du bouillon, qui se boit communément
dans toute les maisons ? les plus panures boi-
uent de l'eau, qui est fort bonne et commune
en ce pays icy. De quoy sont basties les
maison ? Les vues sont basties toutes de
|)ierres, et couuertes de planches ou aix de
pin ; les autres sont basties de collomba-
ges ou charpente, et massonnnées entres les
deux ; d'autre sont basties tout à fait de bois ;
et toutes les dites maisons se couurent comme
dit est, de planches.
Le chaud en Esté est-il bien grand ? Il est
enuiron comme dans le pays d'Aunis.
Les froids y sont-ils grands l'Hyuer ? Il y
a quelques iourjiiées qui sont bien rudes, mais
cela n'empesche pas que VdW ne fasse ce que
l'on a à faire : on s'habille vn peu plus qu'à
De la Nouvelle- France.
141
l'ordinaire, ou se couure les mains de certaines
moufles, appelées en ce pays icy des mitaine ;
Ton fait bon feu dans les maisons, car le bois
ne couste rien icy qu'à bûcher et à apporter
au feu. On se sert de bœufs pour le charrier
sur certaines machines qu'on appelle de trais-
nes : cela glisse sur la neige, et vn bœuf seul
en mené autant que deux bœufs feroient en
Esté dans vue charette. Et comme i'ay déjà
dit, la pluspart des iours sont extrêmement
Si^rains, et il pleut fort peu pendant l'Hyuer.
Ce que i'y trouuede plus importun, c'est qu'il
faut nourrir les bestiaux à l'estable plus de
quatre mois, à cause que la terre est couuerte
de neiges pendant ce tems-là : si la neige nous
cause cette incommodité, elle nous rend d'vn
autre costé vn grand service, qui est qu'elle
nous donne vue facilité de tirer les bois des
forests, dont nous auons besoin pour les bas-
timents, tant de terre que d'eau, et pour autres
142
Mœvrs et Prodvctions
m
choses. Nous tirons tout ce bois de la forest,
par le moyen de ces traisnes dont j'ay parlé,
auec grande facilité, et bien plus commodé-
ment, et à beaucoup moins de frais, que si
c'estoit en Esté par Charette.
L'air y est extrêmement sain en tout tenis :
mais surtout l'Hyuer : on voit rarement des
maladie? en ces Pays icy : il est peut sujet
aux bruines et aux brouillards ; l'air y est ex-
tremément subtil. A l'entrée du Golfe et du
Fleuue, les bruines y sont fréquentes, à cau-
se du voisinagi> de la mer : on y voit fort peu
d'orages. . .
Mais quel profit peut-on faire là ? Qu'en
peut-on tirer ? C'est une question qui m a es-
té faite souuentefois, et qui medonnoitenuie
de rire, toutes les fois qu'on me le faisoit ; il
me sembloit voir des gens qui demandoient
à faire récolte auent que d'auoir semé. Apres
auoir dit qye le Pays est bon, capable de pro-
De la Novvel le- France.
143
'U
i
•o-
diiire toutes sortes de choses comme en Erance,
qu'on s'y porte bien, qu'il n'y manque que
du monde, que le Pays est extrêmement grand,
et qu'infailliblement il y a de grandes riches-
ses, que nous n'auons pas peu découunr, par-
ce que nous auons vn ennemy qui nous tient
resserré dans vn petit coin, et nous empesche
de nous écarter pour faire aucune decouuerte :
Ainsi il faudrait qu'il fust détruit, qu'il vint
beaucoup de monde dans ce Pays icy, et puis
on connoistroit la richesse du Pays : mais
pour cela, il faudroit que quelqu'vn en fasse
la dépence : mais qui la fera, si ce n'est nostre
bon Roy ? Il a témoigné le vouloir faire, Dieu
luy veuille continuer sa bonne volonté.
Les Anglois nos voisins ont fait d'abord de
grande dépenses pour les habitations là ou
ils se sont placez ; ils y ont jette force monde,
et l'on y compte à présent cinquante mil hom-
mes portant les armes : c'est merueille de voir
144
Mœvrs et Productions
leur Paye à présent ; l'on y trouue toutes sor-
tes de choses comme en Europe, et la moitié
meilleur marché. Ils y bastissent quantité de
vaisseaux de toutes façons : ils y font voloir
les mines de fer : ils ont de belles Villes : il y
a Messagerie et Poste de l'vne à l'autre : ils
ont des Carosses comme en France : ceux qui
ont fait les auuances trouuent bien à présent
leurs comptes : ce Pays là n'est pas autre que
le nostre : ce qui se fait la, se peut faire icy.
Cela n'empeschera pas que ie ne vous dise
ce que ie crois que l'on peut faire, et dont l'on
peut faire' et dont l'on peut tirer beaucoup de
profit : premièrement la pesche de la Moluë,
qui est abondante à l'entrée du Fleuue, aux
enuirons de G-aspé.
Secondement les huiles, tant de Loups-ma-
rins que de Marsoin, dont il y a abondance
dans le Fleuue Saint Laurens, comme i'ay
desia dit. Il est vray qu il y a quelque dépen-
De la NovveUe- France.
145
se à faire pour cela, mais elle ne sera pas con-
sidérable, à l'égal du grand profit qu'on en
peut espérer. S
Il y a des mines de fer, de cuiure, d'estain,
d'antimoine et de plomb ; plusieurs croyent
qu'il y a aussi des souiFrieres.
l'ay parlé à vn faiseur de salpêtre, qui m'a
dit qu'on en trouueroit icy d'aussi bon, qu'en
aucun lieu du monde, et en quantité. ^
Pour le charbon de bois de Cèdre, il est
sans comparaison beaucoup meilleur qu'au-
cun, dans la composition de la poudre et des
artifices.
De plus, les bois qui sont icy en si grande
abondance, ne peuuent-ils pas jetter vn grand
profit, soit pour les bastimens de mer, ou au-
tres ouvrages, à quoy il peuuent estre vtiles
La terre estant bonne, ne peut-elle pas don-
ner vn grand profit, non seulement pour tou-
te sorte de grains, qu'on en pourroit tirer
j —
146
Mœvrs et Prodvctions
B
ES
abondamment ; mais pour les chanvres et lins,
qui venans bien, on ne peut faire en abon-
dance, et en faire par conséquent grand pro-
fit.
le ne ne parle point de l'abondance des Ani-
maux, qui s'y peuuent nourrir, comme de
beaucoup d'autres choses que vous Aboyez aus-
si bien que moy, après la description que ie
vous ay faite.
Toutes les riuieres sont-elles navigables ?
le répons que ouy, auec les canots saunages ;
mais non^ pas auec nos bastimens. Les
Nauires ne peuuent pas passer Québec, à ce
que Ton croit, les Barques et Chaloupes ne
peuuent pas aller plus loin que Mont-Royal ;
du Mont-Royal jusque dans le lac des Iro-
quois, il se trouue quarante lieues de rapides,
que Ton ne peut pas monter qu'auec des ca-
nots, et des bateaux plats : encore les faut-il
tirer, comme on tire les bateaux en montant
De la Nouvelle' France.
14t
le long de la Sene. Apres quoy dans tous ces
grands lacs, on y peut aller auec barques et
chaloupes.
Ce qui empesche nos riuières d*être naui-
gables, se sont des cheutes d'eau qui se ren-
contrent par endroits, ou des rapides : et cela
aux vues plus qu'aux autres ; car à la riuiére
du Saguené, on va jusques à quarante ou cin-
quante lieues auec vne double chaloupe : et
au contraire dans la riuiere des Trois-Riuieres,
l'on y va pas plus de quatre lieues : Si ce
Pays-icy estoit habité, ie ne doute pas que
l'on ne rendist nauigable plusieurs riuières
qui ne le sont point, et cela à peu de frais :
car il y a telle riuières, où il n'y a qu'vn rapi-
de d'vn quart de lieuë, après lequel on pour-
roit aller bien loin : cependant, cela le rend
inaccessible à nos bastimens.
Il me semble que j'entends quelqu'vn qui
dit. Vous nous auez dit beaucoup de bien de
148
Mœvrset Prodvctions
la Nouvelle-France, mais vous ne nous en fai-
tes point voir les maux, ny les incommoditez :
cependant nous sçauons bien qu'il n'y a point
do Pays au monde, quelque bon qu'il puisse
estre où il ne se rencontre quelque chose de
fêcheux. le vous répons que vous auez raison :
ça esté aussi mon dessein dans tout mon dis-
cours, de vous en donner la connaissance :
mais afin de mieux vous les faire concevoir,
ie mettray icy en détail ce que ie juge de plus
incommode ou importun que ie requiray a
quatre ou cinq chefs.
Le premier sont les Iroquois nos Ennemis
qui nous tiennent resserrez de si prés, qu'ils
nous empeschent de jouyr des commoditez
du Pays : on ne peut aller à la chasse, ny à
la pesche, qu'er crainte d'estre tué, ou pris
de ces coquins-là : et mesme on ne peut la-
bourer les champs, et encore bien moins faire
les foins, qu'en continuelle risque : car ils
De la Novvelle-France.
149
dressent des embuscades de tous costez, et il
ne faut qu'vn petit buisson pour mettre six
ou sept de ces barbares à l'abry, ou pour
mieux dire, à l'ajflfust, qui se jettent sur vous,
à l'improuiste- soit que vous soyez à votre
trauaille, ou que vous y alliez. Ils n'attaquent
iamais qui ne se voyen 1 les plus forts ; s'ils
sont les plus foiblent ils ne disent mot : si
par hazards ils sont découuerts, ils quittent
tout, et s'enfuyent ; et comme ils vont bien
du pied il est mal aisé de les attraper : ainsi
vous voyez qu'on est touisours en crainte, et
qu'vn panure homme ne trauaille pas en seu-
reté, s'il s'écarte vn peu au loin. Vne femme
est tousiours dans l'inquiétude que son mary,
qui est party le matin pour son trauaille, ne
soit tué ou pris, et que iamais elle ne le re-
uoye : c'est la cause que la plupart des Habi-
tans sont panures, non seulement pour la rai-
son que ie viens de dire, qu'on ne peut pas
150
Mcevrs et Prodvctùms
jouyr des commoditez du Pays, mais parce
qu'ils tuent souuent le bestail ; empeschent
quelquesfois de faire les récoltes, bruslent et
pillent d'autres fois les maisons quand ils les
peuuent surprendre Ce mal est grand, mais
il n'est pas sans remède, et nous l'attendons
de la charité de notre bon Roy, qui m'a dit
qu'il vouloit nous en déliurer. Ce n'est pas
vne chose bien mal-aisée, puisqu'ils ne sont
pas plus de huit ou neuf cens hommes por-
tans les armes. Il est vray qu'ils sont soldats^
et bien adroits dans les bois ; ils l'ont fait voir
à nos Capitaines venus de France, qui les mé .
prisoient : les vns v sont demeurez, et les au-
tres ont esté contraints : d'auoûer qu'il ne
faut pas se négliger, quand on va à la guerre
contre-eux ; qu'ils entendent le mestier, et qu'il
ne sont point barbares en ce point ; mais après
tout, mil ou douze cens hommes bien conduits
feroient dire : ils ont esté, mais ils ne sont
il
De la NorveUe- France.
151
ir
re
fil
plus : cela mettroit la réputation des François
bien haut dans tout le Pays de la Nouuelle-
France, d'auoir exterminé vne nation qui en
a fait tant périr d'autres, et qui est la terreur
de tous ces Fays-icy.
«
La seconde incommodité que ie trouue ici,
sont des Maringoins, autrement appeliez Cou-
sins, qui sont en grande abondance dans
les forests, pendant trois mois de l'Esté : il
s'en trouue peu dans les campagnes, à raison
qu'il ne peuuent résister au vent ; car le
moindre petit vent les emporte : mais dans
les bois, où ils sont à l'abry, ils y sont estran-
gement importuns ; et surtout le soir et le
matin, et picquent plus viuement quand ils
sentent de la pluye, qu*en vn autre temps. Ils
s'est trouue des personnes qui en auuoient
le visage extrêmement enflé ; mais cela ne
dure pas, car au bout de vingt-quatre heures,
il n'y paroist quasy plus, la fumée les fait
152
Mœvn et Prodvdions
fuyr ; c'est pourquoy on fait tousioura du feu
et de la fumée proche de soy, quand on couche
dans le bois.
La troisième incommodité que ie rencontre,
c'est la longueur de l'Hyuer, surtout deuers
Québec. le n'en parleray pas d'auantage, veu
que j'en ai dit assez cy-dessus : le diray seu-
lement que les neiges y sont de trois ou quatre
pieds de haut, ie dis à Québec : car aux autres
habitations il y en a beaucoup moins, comme
j'ay desiadit
Dans le Pays des Iroquois, se trouuent de
certaines couleuures, qu'on appelle des Ser-
pens à soniiettes, qui sont dangereuses pour
leurs morsures ; j'en ai desia parlé, ainsi ie
n'en diray rien d'auantage, sinon qu'il n'y en
a point dans ces quartiers icy : Voila les plus
grande incommoditez dont j'ai connaissance.
Voici encore vne question qui m'a esté fai-
te, sçauoir comme on vit en ce Pays-cy ; si la
De la Novvelle- France.
153
lustice s'y rend ; s'il n'y a point du libertina-
ge, veu qu'il y passe, dit-on quantité de gar-
nemens, et des filles mal-viuantes.
J'y répondray à tous les points l'un après
l'autre, et ie commencerai par le dernier. Il
n'est pas vray qu'il vienne icy de ces sortes
de filles, et ceux qui en parlent de la façon se
sont grandement mépris, et on pris les Isles
de Saint Christophle et la Martinique pour
la Nouuelle-France : si il y en vient icy, on
ne les connoist pas pour telles : car auant que
de les embarquer, il faut qu'il y aye quelques-
vns de leurs parens ou amis qui asseurent
qu'elles ont tousiours esté sages : si par ha-
zard il s'en trouue quelques-vnes de celles qui
A n liuent, qui soient décriées, ou que pendant
la t luersée elles ayent eu le bruit de se mal
comporter, on les renuoye en France.
Pour ce f ui est des garnemens, s'il y en pas-
se, c'est qu,on ne les connoist pas ; et quand
154
Mœvrs et Prodvctiona
1 ! >
ils sont dans le pays, ils sont obligés de viure
en honnestes gens, autrement il n'y auroit
pas de jeu pour eux : on scait aussi bien pen-
dre en ce pays-icy qu'ailleurs, et on l'a fait
voir à quelques- vns qui n'ont pas estes sages.
Pour la ïustice, elle se rend icy ; il y a des
luges : et quand on ne se trouue content, on
en appelle deuant le Grouuerneur, et vn Con-
seil Souuerain estably par le Roy à Québec.
lusques à cette heure on a vescu . ssez dou-
cement, panîe que Dieu nous a fait la grâce
d'auoir tousiours des Gouuerneurs qui ont
esté des gens de bien, et d'ailleurs nous auons
icy les Père I^suites qui prennent vn grand
soin d'instruire le monde : de sorte que tout
y va paisiblement ; on y vit beaucoup dans
Ix crainte de Dieu ; et il ne se passe rien de
scandaleux, qu'on n'y apporte aussi-tost re-
mède : ladeuotion est grande en tout le Pays.
De la Novvelle-Franœ.
155
:o: —
SUITE DU MESME SUJET,
•:o:
CHAPITRE XIV.
N
►ut
LUS
de
ire-
ys.
Plusieurs personnes qui après auoir enten-
du discourir d« la Nouuelle-France, soit qu'il
leur prit ennuie de venir ou non, faisoient cet-
te question ; pensez- vous que je fusse propre
pour ce pays-là ? que faudroit-il faire pour y
aller habiter ? Si i'y portois quatre ou cinq
mille francs, pourrois-je avec cela m'y acco-
moder honesteraent ? et en su::t^. beaucoup
d'autres questions que ie mettray les vues
après les autres, après auoir répondu à celle-cy
Vous me demandez premièrement si vous
estes propres pour ce pays ? La réponse que
ie vous fais c'est que ce pays-cy n'est pas en-
156
\
Mœurs et Productions
core propre pour les personnes de condition
qui sont extrêmement riches, parce qu'ils ne
rencontreroient pas toutes les douceurs qu'ils
font en France : il faut attendre qu'il soit
plus plus habité, à moins que ce ne fussent
des personnes qui voulussent se retirer du
monde, pour mener vne vie plus douce et plus
tranquille, hors de l'embaras : ou quelqu'vn
qui eust enuie de s'immortaliser par la bastisse
de quelques Villes, ou autre choses de consi-
dérable dans ce nouueau monde.
Les personnes qui sont bonnes dans ce Pays-
icy, sont des gens qui mettent la main à l'œu-
ure, soit pour faire, ou pour faire faire leurs
habitations, bastiments et autres choses :
car comme les iournées des hommes sont
extrêmement chères icy, vn homme qui ne
prendrait pas soin, et qui n'Aseroit pas d'œco-
nomie se ruineroit ; mais pour bien faire, il
faut tousiours commencer par le défriche-
De la Novve/ le- France.
U1
ment des terres, et faire vne bonne métairie,
et par après on songe à autres choses ; et ne
pas faire comme quelques-vns que i'ay veu,
qui ont dépensé tout leurs biens à faire de
beaux bastimens qu'ils ont esté contraints de
vendre après, à beaucoup moins qu'ils ne
leur auoint cousté.
le suppose que ie parle à des personnes
qui ne viennent s'establir dans le pays à au-
tre dessein que d'y faire vn revenue, et non
pour y faire marchandise.
Il seroit bon qu'vn homme qui viendroit
pour habiter, apportast des iures du moins
pour un an ou deux, si faire se peut ; surtout
de la farine, qu'il aura beaucoup à meilleur
marché en France, et mesme n'est pas tous-
iours asseuré de trouuer icy pour son argtMit ;
car s'il venoit grand monde de France sans
en apporter, et qu'il arriuast A^ne mauuaisv^
année pour les grains, comme Dieu nous en
garde, il trouueroient bien empeschez.
158
Mcevrs et Prodvctions.
Il est bon aussi de se fournir de hardes, car
elles vallent icy le double qu'en France.
L'argent y est aussi plus cher, il y hausse
du quart, en sorte quVne pièce de quinze sols
en vaut vingt : ainsi à proportion du reste.
Vn homme qui auroit de quoy, ie lui con-
seillerois d'amener icy deux bons hommes de
trauail, pour défricher les terres, ou d'auantage
mesme, s'il a le moyeu : c'est pour répondre
à la question; si vue personne qui employe-
roit trois ou quatre mille francs, pourroit fai-
re quelque chose : il se mettroit, en trois ou
quatre ans bien à son aise, pourueu qu'il veuil-
le vser d'œconoraie, comme i'ay déjà dit.
La plupart de nos habitants qui sont icy,
sont des gens qui sont venus en qualité de
serviteurs, et après auoir seruy trois ans chez
vn Mastre, se mettent à eux ; ils n'ont pas
trauaillé plus d'vne année qu'ils ont défriché
des terres, et qu'ils recueillent du grain plus
De la Novvelle-France.
159
qu'ii n'en faut pour les nourir. Quand ils se
mettent à eux, d'ordinaire ils ont peu de chose,
ils se marient ensuite à vne femme qui n'en
a pas davantage ; cependant en moins de qua-
tre ou ci'.iq ans vous les voyez à leur aise, s'ils
sont vn peu gens de trauail, et bien ajustez
pour des gens de leur condition.
Tous les panures gens seroient bien mieux
icy qu'en France, pourueu qu'ils ne fussent
pas paresseux ; ils ne manqueroient pas icy
d'employ, et ne pourroient pas dire ce qu'ils
disent en France, qu'ils sont obligez de cher-
cher leur vie, parce qu'ils ne trouvent person-
ne qui leur veuille donner de la besogne ; en
un mot, il ne faut personne icy, tant hom-
me que femme, qui ne soit propre à mettre la
main à l'œuure, à moins que d'estre bien ri-
che.
Le travail des femmes consiste dans le soin
de leurs ménages, à nourrir et à penser leurs
160
Mcevrs et Productions
bestiaux ; car il y a peu de seruante icy :
ainsi les femmes sont contrainte de faire leurs
ménages elles-mesmes : toutesfois ceux qui
ont de quoy prennent des valets, qui font ce
que feroit vne seruante.
:o;
fit-'
Remarques qui ont este obmises aux
chapitres précédents
*
:o:
CHAPITRE XV
r
h
;i'
Puisqu'il me reste encore vn peu de temps,
ie feray ce Chapitre de diuerses choses que
j'ay obmise dans les precedens, qui ne seront
pas désagréables au Lecteur curieux.
Cette Fontaine dont i'ay parlé cy-deuant,
qui est dans le pays des Iroquois, et dont ils
De la Novvelle- France
161
[ue
tout
liiit,
ils
se se ruent comme d'huile ; quand on la re-
mue auec vn baston, e : le jette comme des flam-
mes ; mais comme i'ay desia dit, elle n'est
point bonne ny à brusler ny à manger, mais
simplement à graisser.
Cette Mine de plomb, dont j'ay parlé, qui
n'est pas bien loin d'icy, rend soixante et
quinze pour cent, et les Iroquois coupent de
ce rocher, auec leurs haches, et en font de pe.
tits bastons quarroz qu'ils coupent de longuer,
ix)ur s'en seruir à tirer quand ils vont en guer-
re, lorsqu<^ les balles leur manquent.
Dans le lac Supérieur, il y a vue grande Isle,
qui a enuiron cinquante lieues de tour, dans
laquelle il y a vne fort belle mine de cuiure
rouge ; il s'en trouue en diuers endroits de
gros morceaux tout rafinez.
Il y a d'autres endroits de ces quartiers ^^
ou il y a de pareilles mines, ainsi que j'ay ap-
pris de quatre ou cinq François, qui en sont
162
Mœvrs et Prodvdions
reuenus depuis peu, qui estoiont allez en la
compagnie d'vn Père lesuite, qui y estoit allé
en Mission et qui y est mort, Ils y ont passé
trois ans, auant que de trouuer occasion de
s'en reuenir : il m'ont dit qu'ils ont veu vn
lingot de cuiure tout rafiné qui est le long
d'vne coste, et qui peze plus de huit cent Hu-
res, selon leur estime : ils disent que les Sau-
nages en passant font du feu dessus, après
quoy ils coupent des morceaux auec leurs
haches ; vn d'entre-eux en voulut faire de
mesme, il y cassa tout sa hache : le chemin
ne seroit pas mal-aisé, si nous estion les Mais-
tres des Iroquois, et qu'on peust passer par-
deuant leur grand Lac.
Ils m'ont appris de plus qu'il se trouue là
de belles pierres bleues, qu'on crois estre des
Tusquoises.
Il se trouue aussi des pierres vertes comme
des Emeraudes.
De la Novveile- France.
168
Il a aussi des Diamans, mais ie ne scay pas
s'ils sont fins : ils n'ont peu aller jusqaes au
lieu où ces pierres sont, les Saunages les y
voulant pas conduire sans recompense, veu
qu'il y auoit vn peu loin : eux se trouuans
dans la nécessité n'osèrent en faire la dépense,
ne s'y connoissant pas assez pour sçauoir si
elles étaient bonnes ou non.
Il s'y trouue aussi des pierres rouges de deux
sortes : les vues de rouge d'écarlate, et les au-
tres d'vn rouge de sang de bœuf ; les Sauna-
ges s'en seruent pour faire des calumets ou
pipes, pour prendre leur tabac, dont ils font
bien de Testât.
Il se rencontre aussi des teintures, de tou-
tes sortes de couleurs, dont les Saunages se
seruent ; des quelles ie ne feray pas vne gran-
de description, pour n'auoir pas vne parfaite
connaissance, sinon d'vne petite racine de
bois dont ils se seruent pour teindre en cou-
164
Mœvrs et Prodvctions
leur de feu, qui a la couleur bien viue. Pour
les autres couleurs, ils se seruent d'herbes, de
pierres et de terre. Tout ce que ie peux dire,
c'est que la pluspart de leurs couleurs me
semblent bien belles et bien viues : ie leur ay
veu du bleu semblable a nostre azur, et ie ne
>^cay pas si ce n'en est point.
Dans le Pays des Iroquois, sçauoir aux
Onontagué, il se trouue vue pierre de craye
blanche, dont les Hollandois en ont esté quel-
quesfois quérir, et ont dit aux Saunages que
c'estoit pour blanchir leur linges.
Au lac Saint François, qui est enuiron qua-
torze ou quinze lieues au dersus du Mont-
Royal, il se trouue vue des belles Chesnayes
qui soit dans le monde, tant pour la beauté
des arbres, que pour sa grandeur : elle a plus
de vingt lieues de long, et l'on ne scait pas
combien elle a de large.
FIN
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